tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

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LES SALONS ET LES ATELIERS
nois est un magnifique exemple de la personnalité née. Jamais un
artiste volontaire seulement ne créerait une pareille unité dans son
œuvre.
Je ne connais pas beaucoup les moines. Je ne les ai vus que rarement
sur les routes des campagnes déambuler de leurs grands pas
enfermés dans la longue robe comme les Arabes à la marche grave;
mais, par contre, j'ai beaucoup fréquenté les clairs de lune. Je reconnais
dans ceux de Delaunois, vraiment, la nature nocturne, ces
nuages de nacre dans le ciel dont la nuit seule montre tout l'infini;
ces nuages aux contours frais modelés par le vent pur de la
nuit; ces liserés d'argent sur l'outremer profond du zénith. Tel le
clair de lune (n° 24). Dans une autre œuvre ce sont les nuées d'avril
au pays monastique, nuées écharpées dans l'azur limpide par le
vent glacial des hautes régions. Ces nuages, il n'y a que Delaunois
qui les fasse ainsi, avec ce caractère d'immortalité et d'éternelle
jeunesse.
La Route au crépuscule est, pour moi, l'une des œuvres les plus
impressionnantes. C'est une page pénétrée d'une sorte de religion de
la terre. C'est un tableau et un poème. Cette ligne ténébreuse
des lointains où se tasse la nuit ! Ces quelques arbres dont on sent
qu'un peu de vent fait frissonner le long de la route solitaire les
petites ramures!... Ah! ce n'est pas une de ces œuvres qu'on fait
en fumant une pipe. C'est poignant ! Le ce panneau » n° 28 est,
lui aussi, l'une des œuvres les plus concentrées. C'est un coin de
pré calme et grave, au bout duquel se découvre une ville. Pardessus
glisse une large nue qui vogue, voyage, comme une sublime
image de la sérénité.
Delaunois s'associe dans ma pensée à cet admirable exilé :
Henri Degroux (qui scandalise notre vertueuse et pusillanime bourgeoisie
d'art). Delaunois, comme Degroux a la vision épique.
Les moines de Delaunois, étudiés minutieusement, sont haussés
par le seul fait du tempérament de l'artiste, plus haut que la
vie. De même ses intérieurs d'église. C'est écrasant et grandiose.
Delaunois ne cherche, jamais, je pense, à rien grandir sciemment.
Et c'est ainsi qu'il fait grand réellement. C'est sa vision; il n'a
pas de formule.
J'en prends pour preuve cette simple page, une étude : portrait
d'un vieux pommier, crayon Conté sur papier blanc. C'est, en effet,
un ce portrait » par le détail, mais rien n'est petit, rien n'est sec.
Un vrai tempérament est chaque fois complet, une ligne, un point,
c'est encore lui, tout entier.