tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

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trop dur à porter dans son acception moderne. Mais si l'on veut
bien s'en tenir à la signification que donnaient au mot, jadis, les
corporations des métiers, je pense qu'une fois ce sens précis arrêté,
tout le monde pourrait ratifier le terme, à propos de ces deux
œuvres.
J'ai toujours connu Coulon faisant la navette entre Bruxelles
et Paris. Sans doute, la vocation de peintre le ramène ici, des
années; puis la vocation d'illustrateur parle et le voilà reparti pour
Paris. Coulon est un illustrateur tout pénétré de la fameuse morbidesse
italienne, autrement dit, je crois, la névrose française, ou
l'exacerbation de toutes les sensualités dans un système nerveux
non pas épuisé, mais aiguisé à l'excès et serviteur des cinq sens à
la fois.
Cette exacerbation est indiquée chez l'artiste par sa façon de
traiter tout ce que les sens rencontrent sur le modèle, les prunelles
des femmes, par exemple, comme dans la petite Manon aux rubans
noirs; la peau en pétale à peine coloré, ayant visiblement plus de
papilles nerveuses que de sang, dans Florentine de Flandre; ou même
la Faunesse, petit animal nerveux, couronné d'ellébore, qui a la
grâce sauvage et fraîche d'une églantine.
D'autrefois, ce sont des femmes dont les têtes sont traitées en
luxueux bijoux byzantins où s'allient la soie, l'or et la fleur, et la
séduction d'une peau étrange qui fait penser au passage de la
Bible : « Quand le tour de chaque jeune fille était venu pour entrer
vers le roi Assuérus, ayant achevé tout ce qui lui échut à faire,
selon ce qui était ordonné touchant les femmes, douze mois durant
car c'est ainsi que s'accomplissaient les jours de leurs préparatifs :
savoir, six mois avec de l'huile de myrrhe et six mois avec des
aromates et d'autres préparatifs de femmes... »
Coulon expose aussi des crayons d'une intimité tiède et charmante;
de petits paysages dont l'aquarelle ressemble à des émaux :
Village wallon à la Vesprée, la mer phosphorescente. D'un joli sentiment
d'illustrateur récréatif : la lecture sur le chemin de Malaise,
le hameau sur la colline et la vieille chaussée.
Citons encore une couverture bien inspirée pour les poèmes de
Poë, les petites dentellières enfin le conte à dormir debout. Tout
cela est d'un genre très particulier, fait d'esprit sentimental, pensif
et sensuel; telle encore Manon, et roses et gris et gris et roses.