tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

IWAN GILKIN 295
qui préconisaient le retour aux vertus antiques, ne se
souciaient point de vivre de pain bis et de fromage dans
une petite ferme meublée d'une table et de quelques bancs
de bois vulgaire. Il leur fallait des appartements magnifiques,
de l'argenterie, des marbres précieux, des tableaux
et des statues, œuvres des plus grands artistes, des livres
rares dans leur bibliothèque, des vins fins dans leur cave,
et, si les dieux le permettaient, une automobile... pardon!
une riche litière portée par de beaux esclaves asiatiques ou
africains. Demandez aujourd'hui à cet excellent public qui
frissonne d'aise aux sermons de MM. Barrès et Bourget,
s'il mange une truffe de moins, s'il renonce aux toilettes
de Worth, aux autos, aux demeures richement meublées,
aux châteaux et aux parcs, aux hivers à la côte d'Azur,
aux bains de mer, aux sports de plus en plus nombreux
et variés : on va maintenant aux courses de Longchamp
ou aux meetings d'aviation comme on allait jadis aux jeux
et aux fêtes du cirque romain ; le luxe de l'habitation,
du vêtement, de la table, des voyages, des cures et des
sports se moque bien des homélies : il continue, comme
le nègre de Mac-Mahon. Les académiciens de l'Eglise comme
les monseigneurs de l'Académie peuvent se dépenser
en vertueux exercices oratoires, le public qui les applaudit,
agit exactement comme celui qui se rit de leurs paroles.
Le monde suit sa route, — vers la catastrophe... ou la
rénovation.
Car la rénovation est possible. Et les grands écrivains
de l'antiquité comme les écrivains traditionalistes d'aujourd'hui
ont très bien compris qu'il faut la demander à
la régénération du sentiment. Si les auteurs antiques n'ont
pas réussi, c'est qu'ils n'ont pas su émouvoir les cœurs
assez profondément ; ils n'ont touché que les intelligences.
A côté d'eux le christianisme naissant monopolisait la foi
ardente et la réforme des mœurs. Dans les siècles chrétiens
à plusieurs reprises déjà la décadence des mœurs a accompagné
la chute du sentiment religieux et l'envahissement
de l'esprit économique. Mais une renaissance chrétienne
a rajeuni l'Europe. Ce fut l'œuvre notamment d'un Fran-