tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

EMILE-E. PIERS 21
crasent et rampent, le long des voûtes, en tresses de fumée
opaque. Décidément, l'effet des généreux produits
des vignes d'Esterhazy a dissipé complètement l'impression
initiale de l'antre lugubre et humide... et d'aucuns se
hasardent à rire à haute voix.
Heureusement, huit heures vont sonner ! déjà le sévère
délégué est debout.
Un bruit de clefs vient de résonner parmi les dédales ;
il faut maintenant rapporter au comptoir les verres vides
et, en échange, se faire rembourser la caution versée.
Dehors, dans l'impasse obscure, notre guide nous prend
familièrement le bras et nous fait admirer, dans le lointain,
la ville inondée de mille feux. De l'endroit où nous
sommes, les échos qui, d'en bas, nous arrivent des artères
embrasées et tumultueuses, font l'effet de monter dans
une vague d'encens.
Lors, Kuczewski, devenu rêveur, m'affirme avec émotion
qu'il aime Vienne ; que la vie ne saurait ne pas être
agréable et que, en ce qui le concerne, il est, lui, idéalement
heureux...
*
— Mais, faisons-nous... ce bâton de fer?
— Ah ! oui, le Stock im Eisen !
Descendus dans la grande ville, mêlés maintenant à la
foule fiévreuse, nous regagnons les riches quartiers du
centre.
C'est à une intersection du « Graaben », ce carrefour
le plus caractéristique du mouvement de Vienne, que l'on
nous place en arrêt devant une niche en pierre, fixée au
coin d'un vaste immeuble.
Au centre de cette niche on remarque une espèce de
branche métallique qui n'est autre qu'un vieux tronc d'arbre
complètement tatoué de gros clous, au point qu'il
semble impossible d'y trouver l'espace le plus minime pour
fixer encore la moindre pointe de fer.
Nombre de ces gros clous portent sur la tête des noms