tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

AUGUSTE VIERSET 131
de la scène finale et à lui faire « passer la rampe » sans
qu'il perde de sa hardiesse et de son honnête sincérité.
Les frémissements de la volupté de vivre, le grand souffle
pur des instincts souverains vibrent d'ailleurs dans l'atmosphère
de cette belle œuvre qui en même temps qu'une
noble affirmation du droit à la vie et à l'amour est une
cinglante critique de ces cabotins de l'art, stériles dédaigneux
de tout ce qui est la fécondité et le travail.
C'est l'égoïsme hypocrite et révoltant, la dureté de
notre âme, notre méconnaissance de la pitié, des lumineuses
joies de la générosité simple et de la commisération
fraternelle que Gustave Vanzype a farouchement dépeints
dans L'Aumône. Cette pièce en 4 actes nous montre Fortier
l'honnête homme terrassé par la fatalité, compagnonnant
sur la grand'route avec un vagabond de carrière,
Ratieux, propre à rien et bon à tout faire, qui tend la
main aux passants. Un paysan vigoureux le repousse. Une
femme lui donne deux sous parce qu'elle a peur. Une
autre fait la charité, car Dieu le lui rendra. Un fonctionnaire
donne des conseils. Un autre passant paie la goutte.
Un paysan haineux lui offre dix francs pour commettre un
crime. Et Fortier, à ces divers aspects de la charité, sent
bouillonner en lui ses indignations et ses rancunes.
Il rend visite à son ancien condisciple Tassin, industriel
prospère, nullement odieux, mais qui incarne de façon
saisissante la bienfaisance hâtive, grommelante et dédaigneuse
des heureux. Fortier repousse comme une insulte
les vingt francs qu'il lui tend. Le spectacle des misères
qu'il rencontre à l'Assiette de Soupe met le comble à
son exaspération. Il écoutera Ratieux, ira voler chez Tassin,
le tuera s'il le faut, puisqu'il est traître à la solidarité
humaine. Mais quand il entend le cri de terreur de M me
Tassin, c'est lui qui d'instinct la défend contre Ratieux.
Et quand il avoue à Tassin quelles étaient ses intentions,