tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

MAURICE GAUCHEZ 25
et mes projets de manière à acheminer mon esprit vers
une forme de moins en moins imparfaite, je juge la question
des prix littéraires avec une parfaite, une égale impartialité.
Par ce temps dégouttant et dégoûtant, c'est vrai
Qu'on voudrait rester dans sa chambre.
Il pleut? Eh! que veux-tu, lecteur, j'en suis navré;
C'est le régime de décembre!
Et d'ailleurs, entre nous, cher lecteur, le tableau
N'est pas si noir que tu le penses;
Car vois, il ne pleut pas, strictement, que de l'eau :
Il pleut, aussi, des récompenses.
Hé! oui, c'est fabuleux, de ce ciel de Paris,
Si nuageux et si morose,
Il pleut, aussi, des prix, des prix, des prix, des prix,
Pour la poésie et la prose!
Seigneur! l'aimable pluie! Il est bien entendu
Que c'est en riant qu'on l'essuie.
« Mais où donc tombe-t-elle, » o cher lecteur, dis-tu,
« Que j'y coure, sans parapluie! »
Eh! comment, cher ami lecteur, tout comme moi,
T'escrimerais-tu de la plume?
Quoi? que me réponds-tu? qu'entends-je! Oh! quel émoi!
Tu viens d'achever un volume?...
Dois-je m'en étonner? Tant ânes que lions
(L'effroyable nomenclature !')
Sais-je pas bien qu'on est, chez nous, cinq millions,
Au moins dans la littérature!
Sais-je pas bien, de plus, que tous ces gribouilleurs
Briguent des prix, toute leur vie,
Et. qu'il n'en est pas un, des pires aux meilleurs,
Qui d'en obtenir n'ait l'envie!
Avoir des prix! Ils sont obsédés, tout le temps,
Par cette marotte insensée;
De telle sorte, hélas! que, même à soixante ans,
Ils se croient toujours au lycée!
Ainsi chante avec humour Georges Docquois dans La
Grande Revue. Sous ces menus vers, sautillants et légers,
s'exprime, me semble-t-il, un parfait bon sens.