tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

176 AVENTURES DIVERTISSANTES
rant bien des soirs j'avais causé avec Térésa, de manière à
endormir ses soupçons et à exaspérer en même temps son
amour ; et entre nous régnait maintenant la plus délicieuse
intimité. Nous parlions de nous marier...; nous
faisions mille projets. Elle eût désiré que nous vivions dans
la maison de son père ; je feignis d'exiger que nous habitions
la nôtre ; et nous n'arrivâmes à un accord que lorsque
nous nous fûmes proposés de ne former qu'un seul
et unique ménage, chose facile, étant donnée l'amitié qui
liait les deux familles.
— Le seul inconvénient est qu'ainsi nous ne serons jamais
seuls! objectai-je. — Nous aurons toujours l'un des
vieux sur nos talons.
— Et qu'est-ce que cela fait? réplique Teresa. — Si
nous ne nous aimions pas, ce serait autre chose, mais nous
nous aimons tant!...
Mais, arrivons au fait. Une après-midi, et ainsi qu'il
en avait coutume depuis que moi-même j'étais « devenu un
homme », Tatita (1) m'invita à monter à cheval, afin de
l'accompagner jusqu'à une ferme située à deux ou trois
lieues du village, où il avait une affaire pendante qu'il y
avait urgence à régler sans perdre de temps. Son invitation
était un ordre, et nullement désagréable, car je n'ai
jamais connu plus jovial compagnon de voyage et jamais
ne me suis ennuyé avec lui.
La nuit ne tarderait pas à nous surprendre, car sept
heures avaient déjà sonné; mais l'affaire était pressante
et nous étions tous deux accoutumés à parcourir la campagne
à n'importe quelle heure, sans craindre les rayons
du soleil de midi, ni la clarté lunaire de minuit. Nous arrivâmes
à la ferme quand le jour finissait, avec un coucher de
soleil admirable, qui enveloppait toute la pampa d'un véritable
manteau de pourpre. Tatita mit à peu près un quart
d'heure à régler l'affaire qui le préoccupait; puis nous
serrâmes de nouveau la sangle de nos chevaux et nous nous
(1) Tatita — petit père; Mamita — petite mère.