tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

A travers la Quinzaine
LES FAITS ET LES IDÉES
La Millième du Cid.
Le dernier mois de l'année défunte a vu se célébrer
un jubilé théâtral dont on n'aura pas appris sans étonnement
la tardive échéance : le millénaire de la création du
Cid de Corneille, en 1636, au théâtre des Marais. Il a
donc fallu près de trois siècles, — exactement 277 ans —
au chef d'œuvre cornélien pour atteindre sa millième représentation.
Cela peut surprendre à une époque où un
simple vaudeville, s'il ne lasse pas le public en quelques
semaines, devient dix fois centenaire en quelques années.
Mais comparaison n'est pas raison. Ce qui est étonnant,
ce n'est pas que le Cid ait été joué pour la millième fois
à Paris, mais qu'on le reprenne encore malgré la défaveur
dont, à peu d'exécutions près, le genre tragique pâtit depuis
près d'un siècle. Et la puissance avec laquelle l'œuvre
s'impose encore à l'admiration et au respect d'un
public de moins en moins familiarisé avec les grands
héroïsmes témoigne plus que tout du génie de Pierre
Corneille.
Voilà en tous cas un succès dont la persistance doit courroucer
les mânes de Richelieu, si son âme rancunière a
gardé outre tombe sa fielleuse jalousie de dramaturge raté.
Que le Cid a donc la vie dure, pour avoir résisté aux attaques
de la coterie du Cardinal, aux critiques commandées
des académiciens Bourzeys, Chapelain et Desmarets. Pour-