tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

AUGUSTE VIERSET 135
fire, si la neutralité lui est interdite, à la rapprocher de
Leglay, en dépit de toute logique et de toute conviction
personnelle, non parce que son mari a raison, mais parce
qu'il est son mari et le père de son enfant. Mais ceci, c'est
une autre histoire, comme dit Rudyard Kipling, et nous
ne savons ce qu'eût été ce nouveau drame, ni s'il y eût
un drame. Tandis qu'en faisant de Madeleine une héroïne
dont la grandeur nous émeut moins qu'elle ne nous blesse
parce qu'elle viole une loi maternelle, M. Vanzype a fait
une belle œuvre, noble et austère, toute frémissante de
vie et tout imprégnée d'un profond sentiment poétique.
Et voilà qui, plus que tout, suffirait à excuser cette anormale
défaite de l'amour par la raison. » (1)
* *
Quand Vanzype écrivit Les Liens, le problème de l'hérédité
le préoccupait depuis des années. J'ai signalé plus
haut le conte de L'Instinct : « L'Origine », où Jean certain
d'être un enfant adultérin, d'être fils d'un ami de
la famille, mort fou, se plonge dans l'étude des lois incertaines
de l'hérédité, compulse des traités de la démence,
y fortifie sa peur lancinante de la folie, et n'ose
plus le regarder dans la glace afin d'échapper à l'effroi
que lui donne le surgissement d'un être un peu semblable
à 1' « autre ».
Dans la Révélation, Blanche dit à Paul en lui montrant
l'enfant au berceau qui d'un bras tâtonnant esquisse le
geste de relever les cheveux vers le sommet de la tête :
on dirait ton geste ! Et Paul s'étonne, puis s'émeut parce
que ce geste lui révèle que cet enfant pour lui n'est point
quelqu'un, mais tout lui-même, tout lui-même à qui ce geste
menu vient de promettre l'immortalité par l'instinctive,
par l'inconsciente et mystérieuse transmission d'un peu
d'autres geste encore, et de pensées, et de volontés et
(1) « Le Théâtre en Belgique » par Auguste Vierset (Chronique
théâtrale du « Temps » du 18 juillet 1910).