tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

AUGUSTE VIERSET 53
let parisien ». Et il nous en donnait un avant-goût en nous
montrant la salle envahie par les gens de cour, les gens
de lettres, les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne; les
gentilshommes prenant place dans les recoins abandonnés
habituellement aux pages, et — pour la première fois —
les raffinés impatients de bien voir s'instillant sur la scène,
moyennant une honnête redevance.
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Il serait amusant en effet, d'évoquer le décor et les
incidents de cette soirée sensationnelle qui longtemps à l'avance
avait passionné les salons et les ruelles et alimenté
les bavardages des gazetiers et des académiciens.
Le théâtre du Marais, ou, comme on disait alors, le
« lieu des comédiens des maretz » était un ancien jeu de
paume des plus mal famé, tripot et coupe-gorge, transformé
en temple de Melpomène et de Thalie, d'une architecture
élémentaire, aux murs plats percés de fenêtres
asymétriques. Le portail, s'ouvrait sur la rue Vieille-du-
Temple, en face de l'enclos du cloître des capucins, si
bien que la sonnette des répétitions semblait l'écho de la
cloche des offices.
La société des acteurs du Marais avait pour gérant,
pour régisseur, pour premier rôle tragique le sieur de
Mondory, favori du Cardinal, la coqueluche du public,
ami des auteurs, admirateur de Corneille, chargé du rôle
du Cid, et qui avait fait pompe de zèle pour exciter la
curiosité générale.
Aussi en cette après midi de décembre 1636, la rue
Vieille-du-Temple et les ruelles avoisinantes étaient-elles
envahies par une cohue de bourgeois, d'artisans, de basochiens,
de gentilshommes, de mousquetaires, de gardes,
de chevaux-légers, parmi lesquels carrosses, litières, chaises
à porteurs, cavaliers et graves personnages à dos de mule
se frayaient passage avec peine.
Tout cela se bouscule, se coudoie, s'écrase jusque