tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

MAURICE GAUCHEZ 27
demandés et ne se sont pas vendus. Alors?
Reste la récompense remise à l'écrivain. A ce propos,
M. Jean Martet, collaborateur de Gil Blas, a interrogé
quelques lauréats des années précédentes ; il était, évidemment,
à supposer que ceux-ci ne maudiraient point trop
les institutions dont leur réputation put profiter.
Ainsi, M. Francis de Miomandre estime qu'il y a des
prix littéraires de deux sortes : les prix réellement littéraires,
décernés par des littérateurs à des littérateurs, comme
le Prix Goncourt, le prix de la Vie Heureuse, quelques
autres : ceux-là, aux yeux de l'auteur des Ecrits sur de
l'Eau, sont légitimes et répondent à un besoin véritable.
Tout au plus pourrait-on leur reprocher l'influence évidente,
sinon des côteries, du moins des amitiés. « Surtout
», déclare de Miomandre, « on a grand tort de les
multiplier : on leur retire de leur prestige et on encourage
à persévérer dans les lettres des gens qui ne sont littérateurs
que par occasion ».
Les autres prix — ceux de l'Académie, par exemple —
paraissent détestables à M. de Miomandre. Ils sont trop,
d'abord ; la distinction qu'ils confèrent est pour ainsi
dire nulle ; toutes les vieilles douairières, les salons, en constituent
le comité ; ils ne récompensent que des opinions
politiques ou religieuses; l'Académie est antimoderniste.
M. Léon Frapié, lui, est absolument partisan des prix
littéraires, « parce que, dit-il, premièrement, à une époque
où il paraît tant de livres, où la critique n'existe pour
ainsi dire plus, le public ne peut tout acheter, et, quand
même il achèterait tout, il ne pourrait s'en remettre à
lui-même, à son jugement personnel pour décider de la
valeur d'une œuvre ; deuxièmement, parce que tout artiste,
même le plus sincère, a besoin d'encouragements ». Le romancier
de La Maternelle répond au reproche adressé aux
prix littéraires d'influencer défavorablement les jeunes