tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

222 LES PEUPLES ET LA VIE
rymaque, l'injurie et refuse de lui laver les pieds.
— Ne nous raconte pas encore des nouvelles d'Ulysse
comme les vagabonds, tes semblables, lui dit-elle grossièrement.
Seul le vieil Eumée n'a pas pour lui de paroles désobligeantes.
Quel qu'il soit l'homme qui vient au nom d'Ulysse,
ne peut attirer sa haine.
— Que sais-tu d'Ulysse? demande Eumée au mendiant.
— Je sais, répond celui-ci, qu'il n'est pas prudent de
prononcer son nom à sa table.
— A celle des prétendants, riposte le fidèle berger, pas
à celle d'Eumée.
Télémaque, fils d'Ulysse, arrive sur ces entrefaites. II
revient d'un long voyage entrepris dans le but de retrouver
son père et ne le reconnaît pas dans le mendiant sordide
qui en le voyant se démène comme un insensé et s'écrie :
Tuez un porc, immolez-le et mangez-le je vous l'ordonne.
Tuez-le et mangez-le !
— C'est un pauvre fou, répond avec pitié le vieil Eumée.
Ulysse entend Télémaque, son fils, faire le récit de ses
voyages. Oui, Ulysse est bien mort. Tandis que Télémaque
dirigeait le bateau qui le ramenait à Ithaque, il a senti
l'âme de son père passer auprès de lui. Il se sent l'héritier
du trône et des richesses paternels. Son dessein est bien
arrêté : il chassera les prétendants et se fera proclamer roi.
— Qu'on m'ensevelisse donc alors! s'écrie le mendiant
au comble de la démence.
Télémaque n'a que du mépris pour son père qu'il ignore
et Ulysse désespéré doute de lui-même et de sa gloire.
Pour les gens qui l'environnent, il n'est qu'un objet
de dégoût, et comme sa vieille nourrice Euryclée regarde
avec surprise ce vagabond dément et demande quel est cet
homme, le vieil Eumée répond avec indifférence : « Personne
! »
Personne ! Ulysse relèvera le mot comme un défi.
Alors arrive chez le vieil Eumée Laerte, le père d'Ulysse.
Tous les vieillards sont réunis là, un berger et deux