tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

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LES PEUPLES ET LA VIE
y a quelque quarante ans encore, elle pouvait espérer conquérir
ce pays, mais la France a pris les devants. L'Italie
était trop faible pour s'opposer à cette conquête. Elle
s'est donc résignée, et dès qu'elle a pu recueillir ses forces,
dès que l'occasion s'est présentée d'occuper la Tripolitaine,
elle a entrepris une expédition qui ne lui laissait
que très peu d'aléas. On a légitimé de diverses façons cette
conquête. On s'est efforcé de prouver la nécessité de cette
occupation. Il y avait, disait-on à Rome, un besoin urgent
de fournir à l'émigration italienne un débouché nouveau,
aux portes mêmes de la métropole. L'exemple de la Tunisie
était là, la Tunisie colonisée par les italiens et gouvernée
par un autre peuple, la Tunisie enrichie par des colons
Siciliens, sans que la nation italienne en reçût le
moindre bénéfice.
M. Enrico Corradini nous dira à ce sujet que la ville de
Tunis est pour les italiens un point très important d'observation.
Et c'est par une étude sur les conditions politiques
que son livre débute. Il y a là un drame qui se joue,
un drame dont les trois principaux personnages sont le
français, l'italien et l'arabe. La situation de la Tunisie
avant la guerre de Tripolitaine était bien définie. La France
n'ayant pu s'assimiler les italiens et voyant dans ce flot
d'immigration un danger, aperçut dans l'arabe une puissance
qui pourrait s'opposer un jour à l'italien immigrateur.
Elle avait trouvé ses hommes dans les « jeunes Tunisiens
» , « de jeunes arabes évolués », des classes supérieures,
nous dit M. Corradini, qui ne demandaient pour
leur peuple autre chose que du travail et de l'instruction ».
Tel était l'état des esprits dans la péninsule lorsque la
guerre de Tripolitaine déchaîna le drame. On se souvient
des faits : le boycottage des italiens à la suite des incidents
produits par une grève de tramways, en réalité une des
fréquentes explosions de la haine des races. Les arabes de
Tunis faisaient en cette occasion cause commune avec
leurs frères de Tripolitaine ; les excitations de la Turquie
avaient produit leur résultat. Quelle conclusion tirer de