tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

282 EN MARGE D'UN LIVRE
cordes — qu'une force extérieure — le bras du violoniste
— peut faire vibrer. Cette vibration est le son. Quant à
la montre, elle est un mécanisme mû par une force emmagasinée
dans le ressort. Le cas est le même que pour la
meule du rémouleur qu'une main, ou une pédale, fait
tourner. Mais la complexité du mécanisme dissimule plus
ou moins la relation de cause à effet.
Tout cela est vrai. Mais le cerveau aussi est de la matière
mise en mouvement par une force qui naît de la combustion
de certaines substances. Qu'on cesse de nourrir le
cerveau, qu'il subisse une lésion, et le procès s'arrête
et la pensée s'éteint. Se mettre à table pour dîner ou
remonter le ressort de la montre sont choses identiques.
Seulement, les fonctions cérébrales étant infiniment plus
compliquées encore que le mouvement d'une montre, il
serait vain de vouloir suivre les phases du procès.
Ces objections, je ne les formule pas pour me ranger
parmi les matérialistes, mais pour démontrer que l'axiome
« rien ne se crée, rien ne se perd », est insuffisant pour
prouver la survivance de l'énergie psychique — esprit,
pensée, intelligence, âme. Le meilleur argument en faveur
de cette immortalité est encore l'instinct profond, indéracinable
que chacun de nous porte en soi. Mais cet instinct
— qui n'est peut-être qu'un prolongement de l'instinct
vital, l'instinct de conservation — n'a pas en soi de valeur
probante.
Du reste, tout en déclarant l'immortalité certaine, Maeterlinck
reconnaît que jamais on n'a constaté de façon
indiscutable l'existence d'un esprit, c'est-à-dire d'un être
immatériel. Avec cette fière impartialité philosophique
qui est la sienne, il examine les théories néo-théosophiques
et néo-spirites, séduisantes certes, mais non prouvées.
« Il est fort regrettable, conclut-il, que les arguments
des théosophes et des néo-spirites — concernant la réincarnation
— ne soient pas péremptoires ; car il n'y eut jamais
croyance plus belle, plus juste, plus pure, plus morale,
plus féconde, plus consolante et, jusqu'à un certain