tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

DEUX CURIOSITÉS DE VIENNE
Dans le calme mélancolique d'un crépuscule doux d'hiver,
Pozsony, ce soir-là, se noyait dans le rouge d'un
couchant merveilleux.
A mesure que se dissipaient les clartés diurnes, les vieilles
et sombres constructions affectaient des proportions
plus vastes, et semblaient se tasser dans le silence et le
gris brumeux de la nuit envahissante.
Sur les hauteurs de la Koenigshügel, l'abrupte et célèbre
colline que dominent les ruines imposantes d'un vaste
manoir historique, le soleil mourant broyait à profusion
toute la gamme de ses ors et des pourpres flamboyantes ;
et, sur ce décor de féerie, les tours des édifices, les flèches
des églises, les coupoles des temples, le dôme pesant et
couronné de St-Martin, faisaient l'effet de détacher leurs
silhouettes confuses au-dessus d'une cité de légende et de
rêve...
Il nous fallut regagner Vienne ce soir-même ; rejoindre
la grande ville avant d'avoir pu nous dégager des multiples
émotions accumulées au cours de notre courte apparition
en cette ancienne et pittoresque ville hongroise,
de fondation romaine, que le Danube sillonne de ses eaux
lourdes et profondes.
Surtout, en rebroussant chemin vers la petite gare, la
vision nous hantait de cette colline enluminée que, tantôt,
en pèlerins recueillis, nous remontions pédestrement, empruntant
cette même voie que, parmi tant d'autres monarques
de Hongrie, — autrefois, lorsque Pozsony était
encore la capitale de la Bohême et le siège des grandes
diètes nationales — Marie-Thérèse avait franchie, à cheval