tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

108 UN POÈTE DE LA VIE POPULAIRE
Marie, épandez vos cheveux
Voici rire les anges bleus
Et dans vos bras Jésus qui bouge
Avec ses pieds et ses mains rouges,
Et puis encor les anges blonds
Jouant de tous leurs violons.
L'homme qui a écrit cela, soyez-en sûr, a bien des fois
regardé les petites madones, dans leurs caisses de verre,
au fond des impasses voisines du Ridijk et de la Vieille
Boucherie. Il est resté souvent aussi en contemplation, au
musée, devant les merveilleux primitifs de la collection Van
Ertborn. Certes, il est permis de trouver dans l'œuvre de
Max Elskamp autre chose que de pures images. « Sa poésie,
dit Remy de Gourmont, est emblématique vraiment, et
surtout dans son premier recueil Dominical, elle a l'air
parfois de raconter les emblêmes dont s'ornaient les singuliers
livres, où l'on s'édifiait jadis, surtout en pays flamand,
le Miroir de Philagie (Den spieghel van Philagie) ou cette
Contemplation du Monde (Beschouwing der Wereld) que
Tart admirable de Jan Luyken diversifie à l'infini. L'âme,
personnifiée en un jeune homme, une jeune fille, en un
enfant, traverse des paysages, agit sur les éléments, subit
la vie, travaille à des métiers, se promène en barque, pêche,
chasse, danse, souffre, cueille des roses ou des chardons »
(II e Livre des Masques). Mais sans chercher le symbole, ne
peut-on pas trouver une grande beauté à cette poésie qui,
selon M. Robert de Souza « a touché de plus près qu'aucune,
dans son parler et dans ses gestes, le simple. » (La
Poésie populaire et le Lyrisme sentimental). Et Max Elskamp
nous a fourni peut-être la meilleure des exégèses
quand il a écrit en réponse à un critique : « J'ai aimé les
petites villes, les navires et les anges et j'ai cru sage de
de m'en tenir à cela. » Avec quelle justesse, il a, comme
d'ailleurs Maeterlinck, Verhaeren et Grégoire le Roy, saisi
le ton et, si j'ose dire, le « style » de la chanson populaire.