tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

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LES PEUPLES ET LA VIE
aussitôt : « Maintenant, c'est très bien ». Et cela n'est pas
seulement de la mémoire, c'est un sens musical exquis.
Je n'ai entendu qu'une fois d'Annunzio chanter et jouer
du piano... Mais comme il chante ! mais comme il joue !... »
Quand j'étudiais les livres de musique sacrée afin de trouver
pour les mots latins de d'Annunzio, les chants qui
s'y adaptaient le mieux, je crois que personne ne m'aurait
aidé plus que lui. Et à de certains moments je lui
disais : « Mais tu sais la musique ». Et il répondait :
« j'avais une grande disposition pour la musique mais je
ne l'ai jamais étudiée ».
Il est certain que pour d'Annunzio la musique écrite
sur des paroles a une influence extraordinaire. Et cela se
comprend parce qu'il n'y a pas d'homme plus poète que lui
lorsqu'il dit : « j'ai écrit cette poésie, et je n'admets pas
qu'on la fasse d'une autre manière ».
Et la collaboration continua entre les deux hommes,
l'un le poète, l'autre le musicien. La distance les séparant,
Mascagni était revenu en Italie, d'Annunzio habitait
sa villa d'Arcachon. Parfois, Mascagni prenait un train
et arrivait à Arcachon. D'Annunzio avait envoyé une carte
postale au musicien ; il voulait savoir si l'œuvre avançait,
si le compositeur ne se décourageait pas. Parfois
c'était une dépêche laconique. En face de la lande, d'Annunzio
s'enthousiasmait, il télégraphiait à son collaborateur
ces simples mots : « La lande est plus belle que jamais.
Je t'attends » Et Mascagni arrivait.
Une fois, Mascagni voulut faire passer dans sa musique
le chant du rossignol, malheureusement le musicien
n'avait jamais entendu chanter un rossignol. Pour étonnant
que fut la chose, elle était exacte. Il confia son embarras
à d'Annunzio qui lui dit :
— Eh bien, c'est très simple, n°us irons ensemble dans
les bois.
— Allons-y de suite.
— Mais j'y songe, reprit d'Annunzio, en ce moment les
rossignols ne chantent pas !