tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

ARTHUR DE RUDDER 57
LES PEUPLES ET LA VIE
L'Escurial
L'étranger qui se rend de France à Madrid et se propose
de visiter l'Escurial doit le faire avant d'atteindre
la capitale de l'Espagne. L'impression qu'il receuillera
dans le palais-monastère construit par Philippe II sera plus
grande encore s'il arrive tout pénétré des sensations que
lui aura données la traversée du paysage aride de Castille.
Car l'Escurial est en quelque sorte l'aboutissement de
cette campagne parsemée de rocs, où la pierre a depuis
longtemps remplacé l'herbe du pacage.
Le bloc immense de l'Escurial, avec ses tours, avec ses
dômes, avec ses flèches hardies, avec ses pignons aiguilleux
semble s'élever comme dans un mirage, de ce sol
rocailleux. Le village qui l'environne, brûlé par le soleil,
se cache modestement, car il sait son peu d'importance et
que s'il est là, il a la seule mission d'apporter au touriste
le réconfort nécessaire et de fournir aux fonctionnaires du
palais un logement indispensable. On néglige la petite localité
très humble, on ne l'aperçoit qu'à peine, et le palais
monastère semble isolé dans la plaine. D'ailleurs la modeste
gare de l'Escurial ne le dessert point. Il faut marcher près
d'une heure avant d'atteindre la minuscule agglomération.
Tout l'intérêt, toute la vie se concentre sur le vaste palais.
On dirait que le monastère de l'Escurial a été déposé en
cet endroit désert par une puissance mystérieuse. Nous
sommes habitués à rencontrer les couvents dans des sites
charmants où la méditation des religieux trouve dans la
beauté du paysage une source de joies infinies. La campagne
qui entoure l'Escurial est la plus austère qui se
puisse imaginer. C'est une vaste plaine qui vient mourir
au pied de la Sierra. La montagne âpre, sans contours,