tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

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LES PEUPLES ET LA VIE
dénuée d'arbres ou de verdure s'élève devant la porte du
sanctuaire, droite, rigide et presque menaçante. Les pensées
qui devaient s'agiter en ce lieu étaient des pensées
de gravité, d'ascétisme et de mort. La mort est partout
ici, dans cette nature à l'aspect hostile, sur cette terre
pierreuse où semble avoir passé le souffle des catastrophes.
L'Escurial étend devant la montagne ses lignes droites
et sévères. On sait qu'elles forment un quadrilatère allongé
représentant le gril de Saint-Laurent. La Renaissance a
passé sur ces architectures, mais elle n'y a pas laissé
ses grâces. Le sentiment d'une raison froide et inexorable
se dégage de ce vaste bâtiment où l'esprit ne s'usera sur
la joie ni la ferveur. Ses corridors sont vastes. Les cours
le sont plus encore. Et pourtant nous savons qu'ils n'étaient
pas faits pour recevoir la foule des fidèles, la suite
nombreuse des princes, les cortèges fastueux des courtisans
et des belles dames. Quelques moines devaient seuls
les traverser. Un roi y promena sa mélancolie. Si cette
construction est si grande, si ces murs sont si élevés, si ces
cloîtres sont si amples, c'est simplement pour rappeler à
l'homme l'idée du peu de place qu'il tient dans cette existence
; c'est pour l'humilier plutôt que le grandir, c'est
pour fermer son cœur et non l'ouvrir.
Le monastère est comme un grand corps replié sur luimême.
Il ne s'ouvre pas à la foule venant du dehors. Son
église magnifique s'élève au milieu des bâtiments immenses.
Par là on voulut exprimer qu'elle était là construite
pour des religieux et des rois.
Dès que vous entrez dans le temple vous êtes saisi par
la majesté grandiose du lieu. Un souvenir vous vient de
suite à l'esprit. Vous songez à Saint-Pierre de Rome la
seule église qui, par ses proportions, se rapproche de celleci.
Mais combien différente cependant : l'église de Rome
donne une impression de grandeur qui n'a rien d'austère.
Elle dit la puissance de la chrétienté qui s'imposa au
monde ; son faste, son goût des splendeurs. Elle est même
un peu profane, par le luxe de ses marbres et le caprice