tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

NELSON LE KIME 157
n'est qu'une simple exposition sans aucun développement des principaux
thèmes qui domineront toute la partition : thèmes de la
Cène, du Graal, de la Foi, de l'Expiation, c'est le pénétrant décor
de la vallée au pied du Montsalvat, les brumes vaporeuses et
matinales couvrent le lac, de lointaines trompettes sonnent le thème
du Graal qui appelle les chevaliers au recueillement. La mort du
cygne, le cortège douloureux du Roi Amfortas malade, tout cela
tranche extraordinairement avec le somptueux et grandiose tableau
du temple, ses cortèges de chevaliers, d'écuyers et de servants, sa
miraculeuse scène mystique, ses chœurs si simples et si éloquents,
imprégnés d'une foi si ardente, enfin ses voix d'enfants angéliques,
aériennes, de l'effet séraphique le plus irrésistible. De là, on passe,
à la tour maudite où Klingsor pratique ses maléfices, ses envoûtements.
A cet épisode sombre, poussé au noir, succède le jardin
des filles fleurs aux végétations luxuriantes, aux senteurs capiteuses
et enivrantes, aux harmonies voluptueuses, où se place la scène de
vaine tendresse, d'inutile séduction de Kundry. Ce tableau aux
couleurs artificielles, aux fleurs maladives, aux torturantes passions,
fait le plus singulier contraste avec le charme du vendredi-saint
qui suit, en pleine nature agreste et printanière, avec ses prairies
émaillées de fleurettes fraîchement écloses, ses végétations d'un
vert clair, sa source murmurante dont l'onde fraîche et limpide
se prête au baptême de Kundry. Enfin, une dernière fois le temple
apparaît étincelant de lumière surnaturelle, baigné d'harmonies divines,
frémissant de la sonnerie des cloches funèbres et solennelles,
nimbé des voix argentines qui de la haute et audacieuse coupole,
clament la rédemption d'Amfortas et l'accession à la royauté du
Graal, de Parsifal, chevalier ingénu, sans reproche et sans tache.
On ne peut méconnaître à cinq de ces grandes scènes la plus
étonnante diversité d'aspect. La sixième, qui est presque une répétition
de la seconde constitue la conclusion attendue et logique du
drame, le couronnement de l'œuvre dans une athmosphère d'apothéose
religieuse.
Le poème allemand, écrit dans une langue spéciale et moyenâgeuse,
demandait un adaptateur d'une compétence particulière, d'un savoir
étendu, d'un goût éclairé. La traduction que M. Maurice Kufferath
a publiée avec l'accessoire collaboration de Melle Judith
Gauthier, peut être considérée comme un modèle du genre et parmi
les nombreuses traductions existantes ou annoncées, car tout
le monde veut traduire « Parsifal », jusqu'à M. Gunsbourg! celle qui
se présente comme la plus parfaite, la seule adéquate et définitive.
Nous devons en féliciter réminent académicien, qui fut le wagnérien
de la toute première heure et qui a concouru plus que tout autre