tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

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LES PEUPLES ET LA VIE
lorsque je lui eus tourné le dos pendant le déjeuner, je dus
constamment me retourner comme si quelque chose de vivant
était assis derrière moi. . .
» Après Van Gogh, c'est Cézanne qui m'a le plus ému.
Quand j'écrivais mon livre Le tournant de l'histoire,
j'y pensais souvent. C'étaient surtout ses tableaux de
villes qui me parlaient le plus fortement. Des paysagistes
antérieurs à Cézanne, ce fut Manet qui me fit le plus d'impression,
et des allemands nos contemporains, abstraction
faite de mes amis rhénan, Deusser et Clarenbach,
c'est Holder et Trubner que j'aimai le plus.
» Quelles émotions, quelle joie pure, quelles délices je
dois à la peinture ! Soyez tous bénis, peintres pour les frissons
que vous m'avez donnés. »
M. Georges Engel dit :
« Je vois et je sens qu'il règne dans la production littéraire
de notre temps une curieuse hésitation entre le
romantisme et le réalisme.
» Boecklin, cet imaginatif de la couleur, qui, en dépit
de ses tonalités pareilles à des bulles de savon, n'a pu,
grâce à son sentiment de la nature très réel et très clair,
perdre la terre sous ses pieds, est par la puissance créatrice
qu'il possède de faire chanter et résonner la forêt, la montagne
et la mer, mon guide constant à travers les réalités
de la vie poétique. Et, d'autre part, il me semble que le
puissant réalisme d'un Liebermann et d'un Israël est
digne de trouver un écho dans la production littéraire.
» Il y a mieux encore !
» Je crois que ces peintres sont pour les jeunes poètes
un bouclier et une protection contre un romantisme sombre
et nuageux, qui depuis peu a perdu tout rapport
essentiel ou symbolique avec le peuple allemand, à cause
de sa faiblesse maladive et de ses formes rassassées et
fragiles. Car notre peuple travaille et il est sain malgré
tout.
M. Thomas Mann, un jeune écrivain dont les œuvres ont
été fort appréciées et discutées en ces derniers temps en