tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

370 LES FAITS KT LES IDEES
de forme et de figure, il put s'imaginer qu'il a fait peau
neuve ; et parce qu'il est méconnaissable, il peut donner
libre cours à ses instincts les moins nobles sans craindre
la honte et le ridicule, satisfaire une fois l'an des besoins
dont il rougirait s'il devait en faire l'aveu, et du fard
du rire barbouiller ses pâles détresses.
La joie sera peut-être macabre, ou falote, ou incommensurablement
triste ; mais ce ne sera pas sa tristesse
quotidienne, et la mélancolie navrante de ce plaisir falsifié
lui sera néanmoins chère parce que ce n'est pas sa mélancolie,
et que son âme se travestit sous cette défroque
sentimentale.
Comme le masque à chloroformer qui arrache pour quelques
instants le patient au monde réel, le masque carnavalesque
nous étourdit et nous enlève à nos préoccupations
journalières. Et, parce qu'ils nous rend le rire de
l'enfance et débride nos instincts à l'attache, il exhibera
longtemps encore, au seuil du Carême, son rictus stéréotypé,
ses orbites vides et la fantaisie de son nez boudineux
ou camard.
AUGUSTE VIERSET.
LES PEUPLES ET LA VIE
Le Nationalisme Italien
Il y a quelque chose de changé dans le royaume d'Italie,
depuis deux ans environ. Ou plutôt, des idées qui germaient
au cœur de la nation se sont soudain révélées. Le
patriotisme italien qui n'avait pas encore osé affirmer ses
prétentions, ne dissimule plus rien de ses projets d'ambition.
On se rappelle l'explosion d'enthousiasme que suscita
la guerre de Tripolitaine. Du haut de la chaire, on entendit
un prélat, l'archevêque de Pise exciter le courage
des soldats italiens partant à la conquête de nouveaux
territoires, et prédire le succès de leurs armes. Cet en-