tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

CHARLES DESBONNETS 12O
L'HOMME
Pleure, ô femme, tes larmes sont douces au ciel... Ta
mère était vieille, malade... aujourd'hui ou demain ne lui
fallait-il pas mourir?... Mourir, ce pauvre mot humain où
tant de lâchetés se cachent !... Si tu savais, tes sanglots
tourneraient en joie !
Nous ne la reverrons plus.
NELLE.
L'HOMME
Ne sois pas égoïste, il y a plus de joie pour elle, aux
cieux.
NELLE.
J'espérais en vous, vous seul pouviez la sauver.
L'HOMME
Que pouvais-tu, si, vraiment, tu crois, espérer de mieux ?
Son âme s'en est allé au séjour des bienheureux. Le fils
de l'homme est venu sauver ce qui était perdu.
NELLE.
Elle nous aimait tant...
L'HOMME
C'était son devoir... Ecoute : on ne vit pas avec les
morts, il est tant de vivants à aimer. C'est dans l'amour
de ceux-ci, que sera ta grande, ton unique consolation,
pleure, femme, toutes tes larmes, elles sont la rosée bienfaisante
à ton cœur, mais souviens-toi, Nelle, ma sœur, qu'il
faut vivre pour aimer Thylda, Kobus et les autres, tous
les autres, infiniment.
NELLE (serrant Thylda sur sa poitrine).
Mon Dieu, mon Dieu !...
L'HOMME.
C'est Dieu que ta détresse invoque, soumets-toi à sa
volonté. Ecoute, plus tard tu réfléchiras à mes paroles,
et tu ne t'inquiéteras d'autre chose que d'aimer ton prochain
comme toi-même... Ta douleur te semble surhumaine,