tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

ARTHUR DE RUDDER 151
Allemagne déclare qu'il doit très peu aux peintres et
aux sculpteurs. Il est, dit-il, un homme d'oreilles « formé
par la langue et par la musique », mais il prend soin de
nous confier qu'une reproduction du Bois Sacré, de
Boecklin est suspendue au dessus de sa table de travail
et que souvent il y jette un regard et s'en trouve réconforté.
M. Frank Wedekind est un des auteurs dramatiques
les plus originaux et les plus personnels de l'Allemagne ;
un satiriste, une sorte d'enfant terrible qui effraye les
Philistins.
Voici comment il s'exprime :
« Si je donnais à Max Liebermann la préférence sur
Max Klinger, Klinger le croirait et le trouverait bon,
mais le grand psychologue qu'est Liebermann douterait de
ma probité.
» Depuis quatre-vingts ans les arts plastiques considèrent
comme une raison même de leur existence de s'écarter
de la photographie. Dans cette chasse à l'invisible et
à ce que l'artiste seul peut voir, l'on est emporté par des
énergies insoupçonnables vers des hauteurs également insoupçonnables.
» Si l'on demande quel est le peintre contemporain qui
donne la plus forte émotion on pense, sous le nom de
peintres, à bien des artistes plastiques, mais pas à un peintre
dans le sens que Titien serait un plus grand peintre
que Michel-Ange, tandis que naturellement Michel-Ange
m'émeut plus que le Titien.
Si l'on en juge d'après le poids et la profendeur de
l'invisible qui est visible dans toute œuvre d'art, Max Liebermann
me paraît le plus grand peintre. Les affiches
de l'armée du salut et les convulsions calvinistes de Ferdinand
Hodler ne peuvent m'égarer. Mais si l'influence
de la photographie avait comme une Erinnye cessé d'exciter
les arts plastiques à se précipiter dans les précipices du
subjectivisme, Max Klinger n'apparaîtrait-il pas comme
le plus puissant et le plus grand? »