tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

ARTHUR CANTILLON 277
plus rares, tachetant l'infini bleu de leurs blancheurs. Des
bruits confus venaient de la ville, et des senteurs fraîches
parfumaient l'air.
Eltaher dit :
— Nous suivrons le rivage jusqu'à la ville, et là, nous
nous embarquerons.
Frauhell ne répondit rien, mais sentit, devant la beauté
du monde, que, dans sa souffrance, il aspirait au bonheur.
VIII
Ils traversèrent l'Arabie, longeant la mer pour éviter
les déserts brûlants qui s'étendent au cœur du pays. Parfois,
des cités merveilleuses se dressaient devant eux, avec
leurs multiples dômes rutilants, peints de teintes vives,
et bombés ainsi que des mamelles ; ou bien ils rencontraient
encore des campements de ces bergers nomades qui
traînent toute leur vie, de plaine en plaine, des troupeaux
nombreux. Eltaher retrouvait là sa terre natale. Et malgré
la carapace d'indifférence dont une vie austère et des
macérations d'ascète lui avaient recouvert le cœur, on
voyait frémir en lui des souffles de joie profonde, et passer
en ses yeux des éclairs d'amour.
Ils continuèrent pourtant vers l'Egypte, but de leur
voyage, car Eltaher y habitait un palais en ruines, bâti
près des pyramides. Ils longèrent le Nil, après en avoir