tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

NELSON LE KIME 161
sifal de Richard Wagner, que Joséphin Peladan définit si joliment,
« le plus grand signe de croix que jamais astiste a tracé dans le
ciel serein de l'Art. »
NELSON LE KIME.
Le Secret. — C'est Mme Jannelot qui le détient, qui est seule
à en avoir été la confidente. Ce secret, c'est celui de la liaison qui,
pendant un an, fit Henriette Hozleur, jeune veuve consolable,
la maîtresse de Charlie Ponta Tulli, don Juan mondain un peu bellâtre,
un peu sentimental, que M. Bernstein ne fera du reste apparaître
que quelques instants, au deuxième acte de sa pièce.
Or Henriette va se fiancer à Denis Le Guenn, un tout jeune
homme très épris, fort jaloux, un rien niais, de tous points sympathique
en tout cas. Il compte bien que celle dont il va faire sa
femme a un passé absolument irréprochable. Il s'informe discrètement;
on lui donne partout les assurances les plus formelles. Le
« secret » de Henriette a été bien gardé. Ce n'est en effet pas
Charlie Ponta qui la vendra : il est galant homme. Ce n'est pas
non plus Gabrielle Jannelot : elle est l'amie d'enfance la plus
tendre, la plus sûre...
Or personne au monde ne connut jamais rien, sinon eux trois,
des amours de Henriette et de Charlie.
Tout va donc pour le mieux; le mariage s'accomplit. Le Guenn
et sa jeune femme sont les amoureux les plus passionnés et les plus
gentils de la terre. Invités dans une villa au bord de la mer chez
une tante des Jannelot ils y retrouvent Gabrielle et son mari et...
et Charlie Ponta.
Le drame commence.
Il ne commence d'ailleurs que parce que l'auteur le veut bien.
Car avant la solution qui intervient et qui précipite les pires catastrophes
il y avait place pour deux autres dénouements, pour le
moins, beaucoup plus vraisemblables que celui qu'on nous propose.
Mais voilà : ces dénouements logiques — et paisibles, — empêchaient
de faire une pièce, de charpenter un 2 e acte qui est une merveille
d'adresse dramatique, de gradation savante des effets, qui tient le
spectateur haletant et doit emporter le succès sous la forme de
bravos impétueux.
Henriette, cette charmante sainte-nitouche qui a su cacher si
bien son jeu et a circonvenu tout le monde depuis des années et
surtout son mari pourtant bien méfiant, Henriette pouvait aisément,
et elle eût été logique avec soi-même, continuer à ne rien laisser
deviner de ses sentiments pendant les deux ou trois semaines du