tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

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GIAMBATISTA BODONI
s'employa à obtenir à sa veuve une pension de l'Empereur
d'Autriche.
La veuve Bodoni réimprima le fameux manuel typographique,
considérablement augmenté et après ce dernier
monument graphique élevé à la gloire de Giambatista, en
1818, l'imprimerie cessa virtuellement d'exister.
Bodoni eut l'amour de son art poussé à l'extrême, il en
eut aussi la maîtrise. Sa conception idéale du livre était
assez différente de la conception qu'on s'en faisait de son
temps. Pour lui le livre devait être un objet de luxe, un
instrument aristocratique réservé à une élite.
Il voulait le livre imprimé avec le maximum de perfection.
La beauté, la netteté et la régularité du texte, la
blancheur et la finesse du papier, la juste proportion des
marges et des caractères, devaient suffire à l'élégance d'un
livre. Certes les lettrines, les fleurons, les cartouches, les
culs de lampe, les cadres, les bordures, les initiales historiées,
les armoiries, les gravures, les croquis et les vignettes
pouvaient rehausser un livre, mais réagissant contre
l'engouement de son époque, il s'évertua à bannir de
ses fastueuses éditions tous ces éléments qu'il considérait
comme accessoires.
Son imprimerie n'eut jamais le caractère industriel qui
commençait à se manifester déjà ailleurs. On sait qu'il gravait
et fondait lui-même ses caractères. Il avait acquis dans
cet art une technique et une sûreté de main qui allait jusqu'à
la plus entière virtuosité.
Il affectionnait particulièrement l'in-folio et ne fut jamais
surpassé dans la réalisation de ces ouvrages énormes,
dont il tirait toujours des exemplaires de choix sur papier
velin, sur papier d'Annomay et quelques-uns sur parchemin
romain, luxe qu'il fut peut-être seul à se permettre
au dix-huitième et à l'aurore du dix-neuvième siècle.
Devant ces livres de Bodoni, on reste confondu par
l'unité du style et son rigorisme classique, par l'étonnante
symétrie du texte, l'égalité surprenante des caractères.
Jamais une bavure, jamais une lettre qui semble vouloir