tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

158 LE DRAME ET L'OPERA
à la diffusion, à la compréhension et à la légitime consécration des
œuvres du maître de Bayreuth. C'est sous sa haute direction, que
furent entamées, depuis un an, les études de « Parsifal » poursuivies
sans relâche avec la collaboration du chef d'orchestre Otto
Lohse, de ses adjoints MM. Lauweryns, Corneil de Thoran et Steveniers,
des peintres Delescluze, Fernand Khnopff, Thiriar, du
metteur en scène Merle Forest.
L'impression produite par « Parsifal » fut considérable; si l'action
toute hiératique, toute picturale a un peu surpris les spectateurs,
si les tendances un peu trop philosophiques n'ont pas toujours
porté, tous ont été saisis par la poésie de ces trois actes et surtout
par l'émotionnante inspiration de la partition.
Ce qui la caractérise, cette partition, c'est la simplicité évangélique
des motifs, leur candeur mystique. Il semble que ces phrases
touchantes qui chantent tour à tour la foi, le remords, la souffrance,
l'expiation, la purification, la rédemption, soient sorties toutes faites
des antiphonaires et des psautiers qui reposent sur les lutrins des
hautes cathédrales. L'orchestration est envahissante de douceur, de
la plus enveloppante polyphonie, les modulations y sont sous leur
apparente naïveté plus audacieuses que dans n'importe quelle autre
œuvre du maître. 'Wagner jongle avec les tonalités, il les ramène
sans effort suivant l'idée prédominante qu'elles sont chargées d'exprimer,
cela par une science harmonique et instrumentale étonnante
de maîtrise. Comme le disait fort bien M. Paul Gilson, dont
on ne peut contester la haute valeur d'appréciation en cette matière,
l'orchestration de « Parsifal » pour être étudiée â fond demanderait
un gros volume et au moins un an de travail continu. C'est dire
assez que l'oeuvre est colossale, que le maître s'y est surpassé, que
les critiques sincères et avisés n'y voient aucunement trace de cette
prétendue sénilité dont certains ont osé parler.
Si l'instrumentation contrepointée à plaisir, commente en des
sonorités magiques, d'un chromatisme qui n'a jamais rien de factice
ou d'inutile, la mimique des personnages, contrairement aux
autres oeuvres de Wagner, elle atténue ses effets dès que les personnages
parlent. Il semble que Wagner ait voulu modifier sa manière,
qu'en appuyant le chant sur une orchestration touffue, comme
dans la Tétralogie et Tristan, il ait constaté que les efforts qu'il
exigeait des chanteurs étaient excessifs et compromettaient l'intérêt
du poème. Dès que la déclamation lyrique intervient dans o; Pasifal
» elle prend une place prépondérante. L'orchestre se rattrape
dans les interludes, les descriptions intrumentales, les cortèges,
les marches, notamment celle des chevaliers du Graal, aux accords
massifs appuyés sur des sonneries de cloches, dans des tableaux
symphoniques comme celui de la cène, aux harpèges divines, aux