Manfredi Guido Maria Conforti - saveriani.com

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épandue. Conforti semble être l’incarnation de la sainteté telle que définie par Pie XI : ne pas faire de choses extraordinaires mais parfaire les choses ordinaires. L’engagement pastoral est très clair dans ses propres lignes : catéchèse, groupes des jeunes, animation missionnaire. Un engagement fort, mais encore sans choses extraordinaires. Et pourtant il y a deux traits qui m’ont frappé. Le premier est la connaturalité que Conforti a su créer avec ce qu’il croit, qu’il connaît, qu’il fait. Lire et comprendre une question de Saint Thomas est une question d’intelligence ; mais pas toujours (plutôt, rarement) ce que l’on comprend est capable de façonner désirs et sentiments. Par contre, cela semble être bien le cas de Mgr Conforti : la théologie et la morale qu’il a étudiées sont devenues son monde intérieur, ses pensées et ses désirs. De sorte que, nous rappelle le biographe, sa pastorale pourrait être accusée d’un excès d’« intellectualisme » puisque Conforti est convaincu que, si les chrétiens sont instruis dans leur foi, le problème de la persévérance serait pratiquement résolu. Le point est que c’est lui à se comporter de telle façon : lorsqu’il est convaincu d’une vérité, cette vérité devient partie prenante de sa vie. Vers la fin de son ouvrage, Manfredi rappelle ce qu’il appelle « batailles sanglantes » qui ont marqué la vie du nôtre, à partir de l’opposition de son père à sa vocation sacerdotale ; ensuite la maladie qui semble lui empêcher l’ordination et qui en effet empêche son départ pour les missions ; le refus de l’évêque à son projet de formation missionnaire ; l’échec de la première mission chinoise ; la fin « sans gloire » de l’épiscopat à Ravenna ; les problèmes récurrents de santé. La liste est impressionnante. Il semblait que tout arrivait de façon spontanée « presque nécessaire ». Et par contre nous nous apercevons que tout a été conquis, atteint par une profonde lutte intérieure. L’auteur reconnaît à Conforti une grande « capacité de recommencer », et par cela il veut dire capacité d’intégrer des événements toujours nouveaux et imprévus dans son propre chemin de vie. Dans son déroulement concret, la vie de Conforti n’a pas été comme lui-même l’avait songée ou désirée. Néanmoins, à travers des impasses, des retours, des échecs, des déceptions, Conforti est arrivé où l’expérience initiale l’orientait. Il se voit missionnaire mais il ne peut pas aller en mission pour des raisons de santé ; et voilà, il deviendra père et maître de missionnaires. Il soumet à l’évêque son projet de formation missionnaire et il reçoit un refus ; et voilà, il va attendre et ce sera comme le Seigneur voudra. Et de cette façon la vie avance à travers des renoncements toujours nouveaux auxquels Conforti sait s’adapter. C’est beau de voir qu’il le fait en toute sérénité comme s’il était tout à fait convaincu que le cours des évènements n’était que juste et bon. C’est du moins ce qui apparaît ; quel ait été pour lui le coût de cette attitude de « sainte indifférence », nous ne pouvons pas le savoir. En cet homme il y a une pudeur qui l’empêche de trop manifester ses sentiments. Mais assurément sa capacité de modeler les échecs et de les transformer en opportunité de croissance est surprenante. Bref, si je vois bien, Mgr Conforti est une personne « normale », ayant de bonnes capacités mais pas géniale. Son attitude face à la question romaine, à la guerre, au fascisme est équilibré et sage ; ce n’est pas ce qu’aujourd’hui nous appellerions « prophétique ». Ses choix pastoraux se situent dans la moyenne supérieure des attitudes des évêques de son temps : remarquables mais pas innovatrices ou extraordinaires. Sa perception de la révolution « culturelle » qui est en train de se former n’est pas particulièrement aigue ; mais le problème n’est pas le sien. Très peu de gens, ces années-là, s’apercevaient que le monde avait pris un chemin nouveau et que l’écart de l’église ne faisait qu’augmenter. La vision de Conforti est nettement ethnocentrique : la civilisation occidentale chrétienne est « la » civilisation et on doit la considérer comme la mesure de toute civilisation authentique. L’annonce de l’Evangile va se conjuguer avec la diffusion de la civilisation chrétienne là où prévaut la barbarie. Il faudra encore du temps pour comprendre que l’on était en train de passer d’une vision normative et canonique de la culture à une vision empirique ; qu’il faudra donc parcourir un chemin long et pénible pour refonder valeurs et projets anciens de façon nouvelle, avec endurance et lucidité. Néanmoins, on ne peut pas reprocher Conforti de ne pas avoir vu ce que nous-mêmes, après presqu’un siècle, avons encore du mal à saisir. Et qui sait combien de nos positions vont sembler insuffisantes pour ceux qui viendront après nous. Et pourtant sa vie est vraiment un chef-d’œuvre de Manfredi - 7 – G.M. Conforti
foi. Conforti est un homme authentique. Il a perçu quelle était sa vocation et il l’a réalisée avec endurance et fidélité, à travers les moments faciles et difficiles de sa vie. Et il a été un homme libre ; il s’est laissé conduire par les événements, ou plutôt par Dieu à travers les événements. J’ai été frappé, par exemple, par son attitude face aux critiques peu souples (en vérité imméritées) de certains missionnaires en Chine. Quelle souffrance cela lui ait causé, ce n’est pas difficile d’imaginer. Quant même, son attitude ne reflète aucun ressentiment : il ne se plaint pas, il n’accuse pas, il ne se défend pas ; il cherche seulement de déceler quels choix pourraient correspondre le mieux aux problèmes de fait existants. Le reste ne dépend pas de lui et il le remet au Seigneur avec un cœur libre. J’ai de l’envie (sainte envie, j’espère) pour cette liberté : savoir répondre aux événements non pas en partant du ressentiment mais de la recherche objective du bien, de ce qui est le mieux dans la situation concrète. Beaucoup de tensions s’apaiseraient et s’établiraient de véritables milieux de paix. + LUCIANO MOLARI Evêque de Brescia Vice-président de la C.E.I. Le 12 juin 2009 Manfredi - 8 – G.M. Conforti
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