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L'avers et le revers

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Que n’avais-je besoin de par<strong>le</strong>r du prêtre car, dans la maison<br />

d’un huguenot, c’est bien d’une incommensurab<strong>le</strong> sottise d’en<br />

appe<strong>le</strong>r à un papiste, surtout quand il s’agit d’instruction ! Mon<br />

affaire s’engageait mal, <strong>et</strong> par ma faute, <strong>et</strong> je me mordais <strong>le</strong> gras<br />

de la joue, ne sachant plus comment me dépêtrer de c<strong>et</strong>te farine<br />

en laquel<strong>le</strong> j’avais donné <strong>le</strong> bec.<br />

— Eh bien ? dit brusquement mon maître en se campant<br />

devant moi, <strong>le</strong>s deux mains sur <strong>le</strong>s hanches. Eh bien ? Est-ce<br />

ainsi que tu veux finir tes vieux jours, dans <strong>le</strong> giron de c<strong>et</strong><br />

idolâtre, de ce gros tas de graisse transpirant <strong>le</strong> cochon <strong>et</strong> puant<br />

la vinasse ?<br />

— Que non pas, mon maître, que non pas ! dis-je vivement<br />

pour briser c<strong>et</strong>te colère. Vous savez que ma foi dans la religion<br />

réformée est inébranlab<strong>le</strong> !<br />

À vrai dire, c<strong>et</strong> émeuvement de mon maître me surprit fort,<br />

car il est tout sauf fanatique, compta nombre d’amis<br />

catholiques, <strong>et</strong> s’est lié d’une bel<strong>le</strong> <strong>et</strong> sincère amitié avec <strong>le</strong><br />

chanoine Fogacer, <strong>le</strong>quel est bougre <strong>et</strong> athée comme bien on<br />

sait. Fallait-il y déce<strong>le</strong>r du remords, <strong>et</strong> pourquoi pas de la<br />

jalousie, de s’être fait doub<strong>le</strong>r par <strong>le</strong> curé dans un rô<strong>le</strong> qui aurait<br />

pu être <strong>le</strong> sien ? Je n’en avais pas la certitude mais <strong>le</strong><br />

soupçonnais suffisamment pour tenter d’en tirer profit.<br />

— Ce curé est un coquardeau ! Un sot ! Un vaniteux ! lâcha-til<br />

fina<strong>le</strong>ment mais sur un ton radouci qui contrastait fort avec<br />

<strong>le</strong>s injures j<strong>et</strong>ées à la tête de notre ecclésiastique.<br />

— Oui-da, car il croit me convertir à la longue alors que je ne<br />

fais l’aimab<strong>le</strong> que pour lui vo<strong>le</strong>r son savoir.<br />

— Son savoir ? dit Siorac en <strong>le</strong>vant <strong>le</strong> sourcil.<br />

— Il n’a pas la science de la médecine comme vous, mais il<br />

entend <strong>le</strong> latin, <strong>le</strong> grec, <strong>et</strong> sait tourner <strong>le</strong>s phrases pour mieux<br />

tromper <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>.<br />

Ceci fut prononcé sur <strong>le</strong> ton <strong>le</strong> plus suave, sachant <strong>le</strong> miel<br />

que je faisais cou<strong>le</strong>r dans la gorge de mon maître, faisant<br />

mouche par deux fois, d’abord en rappelant son érudition de<br />

médecin, ensuite en évoquant <strong>le</strong>s fourberies du c<strong>le</strong>rgé<br />

catholique.<br />

— Tout de même, Miroul, ce n’est pas très raisonnab<strong>le</strong> pour<br />

un huguenot de fréquenter <strong>le</strong> curé, quand bien même ce serait<br />

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