L'avers et le revers
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que cel<strong>le</strong>-ci n’avait pas pesé lourd à l’aube de ce jour merveil<strong>le</strong>ux<br />
où j’entrais au service des Siorac. Il alla jusqu’au fenestrou de la<br />
pièce, regarda un instant au-dehors puis, se r<strong>et</strong>ournant, s’accota<br />
à la p<strong>et</strong>ite ouverture, <strong>le</strong> coude sur <strong>le</strong> rebord en pierre ocre du<br />
pays.<br />
— Tu nous dédommageras en nous restant fidè<strong>le</strong>. Et ce n’est<br />
pas tout. Primo, je te m<strong>et</strong>s sous <strong>le</strong>s ordres de mon fils Pierre,<br />
<strong>le</strong>quel t’a capturé <strong>et</strong> mérite bien c<strong>et</strong>te récompense, <strong>et</strong> à qui tu<br />
feras office de val<strong>et</strong>. Tu lui devras considération <strong>et</strong> obéissance,<br />
mais je n’ai nul doute que Pierre, de par son autorité naturel<strong>le</strong>,<br />
saura se faire respecter maugré son jeune âge. Je crains même<br />
qu’il n’en abuse. Secundo, tu seras éga<strong>le</strong>ment au service de mon<br />
fils Samson, <strong>le</strong>quel est, bien au rebours de son frère, tout de<br />
bonté <strong>et</strong> d’affabilité, insigne faib<strong>le</strong>sse qui <strong>le</strong> rend bien incapab<strong>le</strong><br />
de diriger autrui. Mais je veil<strong>le</strong>rai personnel<strong>le</strong>ment – entends-tu<br />
bien cela, Miroul ? –, personnel<strong>le</strong>ment, à ce que tu ne profites<br />
de c<strong>et</strong>te situation où <strong>le</strong> val<strong>et</strong> peut s’emparer de son maître <strong>et</strong><br />
inverser <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s. Tu es désormais, <strong>et</strong> tu resteras, à l’écoute de<br />
ce que tu devineras être <strong>le</strong>s volontés de Samson afin que de lui<br />
obéir en tout point comme un bon domestique.<br />
Jean de Siorac fit une pause, lorgna un quart de seconde en<br />
direction de Sauv<strong>et</strong>erre, qui n’avait pas bougé pendant tout ce<br />
discours, assis sur son escabel<strong>le</strong>, l’air imperscrutab<strong>le</strong>, <strong>le</strong> buste<br />
droit, sa jambe infirme allongée toute droite vers la gauche alors<br />
que l’autre était repliée sous lui. Sa vêture noire, sa face longue<br />
<strong>et</strong> sombre – il était aussi brun que <strong>le</strong> baron était blond –, son<br />
nez busqué <strong>et</strong> ses yeux noirs <strong>le</strong> faisaient ressemb<strong>le</strong>r à un<br />
corbeau <strong>et</strong> on se serait presque attendu à l’entendre croasser<br />
plutôt que de discourir en latin.<br />
— Tertio, reprit <strong>le</strong> baron d’une voix forte, tu aideras aussi au<br />
domaine pour tous <strong>le</strong>s travaux col<strong>le</strong>ctifs, où chacun prête la<br />
main, d’autant plus que tu connais la besogne : labours, foins,<br />
moissons ou vendanges te sont tout sauf étrangers, <strong>et</strong> de ton<br />
expérience même, certains céans pourront s’approfiter. Seuls te<br />
commanderont, en toutes circonstances, Pierre ou Samson, <strong>et</strong><br />
bien évidemment mon ami Jean de Sauv<strong>et</strong>erre <strong>et</strong> moi-même à<br />
qui tes jeunes maîtres doivent obéissance <strong>et</strong> respect filial.<br />
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