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L'avers et le revers

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— Eh oui, niquedouil<strong>le</strong>, tu seras pendu <strong>et</strong> devant tout <strong>le</strong><br />

domestique rassemblé encore !<br />

Si je peux assurer <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur que je ne craignais pas une tel<strong>le</strong><br />

issue, car la vie de famine menée sur <strong>le</strong>s routes me rebutait tout<br />

à p<strong>le</strong>in <strong>et</strong> j’avais parfois grande hâte de rejoindre <strong>le</strong>s miens, une<br />

poignante tristesse m’accabla cependant devant <strong>le</strong> cru énoncé<br />

de la chose <strong>et</strong> ma gorge se noua tandis que je regardais <strong>le</strong> jeune<br />

Siorac de mes yeux vairons. Ce dernier observait ma réaction <strong>et</strong><br />

brusquement, sur un ton qui me surprit, il demanda :<br />

— Tu ne me demandes pas grâce ?<br />

— Grâce, Moussu ?<br />

— De te libérer <strong>et</strong> de te laisser fi<strong>le</strong>r ?<br />

— Non pas, Moussu, c’est trop tard. Vous tenez votre rang,<br />

de bel<strong>le</strong> manière, <strong>et</strong> vous trahiriez prou votre père en me<br />

relâchant maintenant.<br />

À ce moment, comme j’avais avalé <strong>le</strong> dernier morceau de<br />

jambon, très salé <strong>et</strong> bien sec, je me sentis tota<strong>le</strong>ment asséché, la<br />

langue se mouvant avec peine sur <strong>le</strong> palais, <strong>et</strong> Siorac, <strong>le</strong><br />

remarquant, se <strong>le</strong>va de lui-même pour m’apporter un bol de lait<br />

qu’il me fit boire en si<strong>le</strong>nce. Je me doutais bien que s’agitait en<br />

sa tête un bien comp<strong>le</strong>xe pensement, car sa question avait été<br />

fort traîtreuse <strong>et</strong> s’adressait plus à son propre étonnement de ne<br />

pas me voir l’implorer. Nul doute qu’il ne m’aurait pas accordé<br />

c<strong>et</strong>te grâce – comme il disait – si je la lui avais réclamée, mais<br />

j’étais allé jusqu’à la refuser, en faisant appel à son devoir filial,<br />

ce qui ne laissait pas de l’intriguer <strong>et</strong> de l’impressionner.<br />

— Et n’as-tu pas grand désir de changer de vie ? lança-t-il au<br />

bout d’un moment.<br />

— Si fait.<br />

— Que faisais-tu donc avant que d’être larron ?<br />

— Paysan, Moussu, à la ferme de mes parents.<br />

— Et que n’es-tu resté avec eux à vivre honnêtement de ton<br />

labeur, aussi dur soit-il ?<br />

Comme chaque fois que je pensais aux miens <strong>et</strong> à mon<br />

existence d’autrefois, ma face pâlit <strong>et</strong> l’émoi me travailla, si bien<br />

que j’eus de la peine à répondre, <strong>le</strong>s mots se frayant<br />

diffici<strong>le</strong>ment un chemin jusqu’à la surface.<br />

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