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L'avers et le revers

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application dans une véritab<strong>le</strong> algarade <strong>et</strong> je devine sa joie de<br />

vérifier <strong>le</strong>ur efficacité, même si ce jour-là ce fut bien à mon<br />

détriment.<br />

Plié en deux comme vous pouvez l’imaginer, j’étais pour<br />

quelques minutes tota<strong>le</strong>ment hors d’état de me défendre <strong>et</strong><br />

l’ironie ne fut-el<strong>le</strong> pas pour moi de voir Pierre de Siorac,<br />

profitant de ces terrib<strong>le</strong>s tressautements de dou<strong>le</strong>ur qui me<br />

branlaient, se saisir de mon grappin <strong>et</strong>, avec la corde de celui-ci,<br />

me ligoter comme saucisson <strong>et</strong> m’attacher solidement au pied<br />

de la lourde tab<strong>le</strong> de chêne du charnier. Ensuite, avec une<br />

évidente satisfaction, il saisit l’escabeau, <strong>et</strong> se posant dessus, me<br />

dominant ainsi de beaucoup puisque j’étais maintenu à terre, il<br />

me considéra de ses yeux b<strong>le</strong>us où je ne discernai, maugré la<br />

rudesse de notre première rencontre, nul<strong>le</strong> haine d’aucune<br />

sorte.<br />

Ici, il me faut revenir sur un point des Mémoires de mon<br />

maître qui m’a fort chagriné <strong>et</strong> que je souhaiterais qu’il r<strong>et</strong>ire, si<br />

d’aventure une réédition en est autorisée par notre bon roi<br />

Henri IV. De ce que je bondis sur lui <strong>le</strong> couteau à la main, mon<br />

maître en a conclu à l’époque que, pour m’enfuir, j’étais prêt<br />

sans autre procès à lui passer ma lame à travers <strong>le</strong> corps. Rien<br />

n’est plus faux, en vérité, <strong>et</strong> comme je l’ai indiqué plus haut, <strong>le</strong><br />

couteau n’était sorti en ce prédicament que pour couper une<br />

simp<strong>le</strong> tranche de jambon <strong>et</strong> n’a jamais eu d’autre destination.<br />

Si je me sens tant mortifié par c<strong>et</strong>te injuste accusation, c’est<br />

qu’el<strong>le</strong> me rabaisse à l’âme vi<strong>le</strong> de l’ignob<strong>le</strong> Peyssou, qui n’hésita<br />

pas dans une situation comparab<strong>le</strong> à enfoncer son couteau dans<br />

<strong>le</strong> ventre d’un pauvre vieillard en sa demeure bourgeoise d’Al<br />

Bugua. Le <strong>le</strong>cteur sait à quel point je souffris de m’être trouvé<br />

mêlé à c<strong>et</strong>te affreuse meurtrerie <strong>et</strong> j’espère qu’il me fera<br />

l’aumône de me croire quand j’affirme que la pensée d’une tel<strong>le</strong><br />

bassesse ne m’a pas eff<strong>le</strong>uré la moitié d’une seconde face à<br />

Pierre de Siorac.<br />

Récupérant <strong>le</strong>ntement de mon pâtiment, je mesurai la sottise<br />

de mon action inconsidérée car, à vrai dire, étant plus âgé que<br />

Siorac, j’aurais pu l’emporter à la lutte si je m’étais méfié un<br />

tant soit peu. Il avait certes déjà ma tail<strong>le</strong>, pour la raison que <strong>le</strong>s<br />

nob<strong>le</strong>s sont plus grands que <strong>le</strong>s paysans, car saine jeunesse <strong>et</strong><br />

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