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L'avers et le revers

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Jean de Siorac sourit à cela <strong>et</strong> remit son cheval en avant, me<br />

faisant signe derechef de me m<strong>et</strong>tre au botte à botte avec lui. Le<br />

maigre ruisseau qui court au fond de l’étroite combe séparant<br />

Mespech de Marcuays fut franchi <strong>et</strong> <strong>le</strong>s chevaux, montrant<br />

moins d’allant, entamèrent la montée qui nous menait au<br />

village.<br />

Malgré son serment, <strong>et</strong> parce qu’il me sembla un peu trop<br />

so<strong>le</strong>nnel de lui à moi, j’étais à ce moment en grande doutance<br />

qu’il tînt paro<strong>le</strong> <strong>et</strong> se tînt coi sur ma relation avec Margot, mais<br />

je dois avouer qu’il n’en laissa jamais rien échapper, ni en<br />

public, ni au bec à bec avec quiconque, <strong>et</strong> nonobstant <strong>le</strong>s années<br />

passées depuis lors, je lui sais toujours gré de c<strong>et</strong>te discrétion,<br />

qui n’est pas <strong>le</strong> lot habituel du maître au val<strong>et</strong>. Jean de Siorac,<br />

en dépit de bien des défauts que j’ai narrés déjà, était un homme<br />

de cœur, <strong>et</strong> bien me <strong>le</strong> prouva en ce prédicament.<br />

— Sais-tu, Miroul, reprit-il au bout d’un moment, que mes<br />

garçons me causent grand souci, <strong>le</strong>quel me pèse souvent sans<br />

que je n’en puisse mais.<br />

— Des soucis, Moussu lou Baron ?<br />

— C’est vail<strong>le</strong> que vail<strong>le</strong> que l’on fait de son mieux en ce<br />

domaine, mais <strong>le</strong>s qualités de mes enfants sont d’une étoffe si<br />

différente qu’il me faut hardi courage à tenter de <strong>le</strong>s appareil<strong>le</strong>r.<br />

À cela, je ne répliquai rien, jugeant mon intervention inuti<strong>le</strong>,<br />

<strong>et</strong> j’attendis sagement que la suite se dévidât seu<strong>le</strong> comme une<br />

pelote tombée à terre.<br />

— De querel<strong>le</strong>s, il n’y en eut oncques entre Pierre <strong>et</strong> Samson,<br />

<strong>et</strong> je gage que c’est surtout à Samson, dont l’essence est toute de<br />

bénignité <strong>et</strong> de conciliation, que l’on doit ce mirac<strong>le</strong>. Mais que<br />

dire des deux aînés du même lit qui se querel<strong>le</strong>nt à tout vent <strong>et</strong><br />

cherchent l’affrontement dans la moindre des peccadil<strong>le</strong>s !<br />

Il y eut un si<strong>le</strong>nce un peu triste <strong>et</strong>, comme il se prolongeait,<br />

je clignai des yeux vers <strong>le</strong>s grandes frondaisons d’où <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il<br />

perçait par intermittence.<br />

— Comprends-tu, Miroul, <strong>le</strong> fond de c<strong>et</strong>te querel<strong>le</strong> ? Tel, sûr<br />

de son fait <strong>et</strong> de sa position, qui morgue son cad<strong>et</strong>, <strong>le</strong>quel<br />

oncques ne l’acceptera, <strong>et</strong> de sa vie traînera comme <strong>le</strong> forçat son<br />

boul<strong>et</strong> de ne pas être baron de Mespech, place qu’il nie à l’aîné.<br />

Entends-tu cela, Miroul ?<br />

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