27.06.2013 Views

L'avers et le revers

L'avers et le revers

L'avers et le revers

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Et il me planta là, reprenant sa course derechef, toujours<br />

suivi par <strong>le</strong> pauvre Sauv<strong>et</strong>erre qui peinait à tant de presse <strong>et</strong> de<br />

célérité. Dès que, dans <strong>le</strong> grand escalier, j’entendis <strong>le</strong>urs pas<br />

décliner, j’orientai <strong>le</strong>s miens vers la chambre de Sauv<strong>et</strong>erre en<br />

laquel<strong>le</strong> je n’avais jamais pénétré jusques-lors. La porte en était<br />

ouverte à demi, <strong>et</strong> je la poussai pour y découvrir une Margot en<br />

p<strong>le</strong>in labeur, à genoux <strong>et</strong> <strong>le</strong> buste penché, enfouissant <strong>le</strong> balai<br />

sous <strong>le</strong> lit pour en extirper la poussière, tâche singulière dont<br />

l’utilité m’a toujours intrigué, car la poussière y vit là bien<br />

quiètement, à la dérobée <strong>et</strong> sans du tout déranger quiconque.<br />

À la découvrir enfin mon cœur s’accéléra, mais comme el<strong>le</strong><br />

ne m’avait mie entendu entrer, je restai un temps suffisant à<br />

l’observer se battre avec la poussière honnie, laissant ainsi mon<br />

palpitant amoureux reprendre souff<strong>le</strong>, car je suis émotif assez,<br />

du moins pour tout ce qui touche à la bagatel<strong>le</strong>. Subitement,<br />

sans que je sache ce qui l’en avait avertie, peut-être mes pieds<br />

de par-dessous <strong>le</strong> lit furent-ils aperçus, el<strong>le</strong> se redressa <strong>et</strong><br />

toujours à genoux, lâchant <strong>le</strong> balai, ses joues virant à l’écarlate,<br />

el<strong>le</strong> posa ses verts <strong>et</strong> intenses yeux de chatte sur moi <strong>et</strong> s’écria<br />

d’une fort peu engageante manière :<br />

— Miroul ! Est-ce donc à l’espion que tu joues en ce château !<br />

Que fais-tu céans en fainéant de val<strong>et</strong> qui oncques ne travail<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

reluque comme je suis à la tâche !<br />

— Tout doux, Margot, répondis-je, car <strong>le</strong> fainéant de val<strong>et</strong><br />

vient te prêter la main <strong>et</strong> non point te reluque ! Vois c<strong>et</strong>te pi<strong>le</strong> de<br />

linge que j’amène à toi, sur ordre de Barberine qui soigne son<br />

p<strong>et</strong>it Jacquou.<br />

— Comment ? Son Jacquou est b<strong>le</strong>ssé ? dit-el<strong>le</strong> en changeant<br />

de ton, inquiète tout soudain à la pensée que quelque chose de<br />

grave eût pu survenir.<br />

— Non point, Margot, il a chu sur <strong>le</strong> carreau <strong>et</strong> sans plus que<br />

bosse sur crâne, mais <strong>le</strong> p<strong>et</strong>it Jacquou p<strong>le</strong>ure plus qu’il ne<br />

souffre à ce que j’en devine ! Et tu connais <strong>le</strong>s mères, qui sont<br />

vite trompées par <strong>le</strong> jeu des marmail<strong>le</strong>s !<br />

El<strong>le</strong> se <strong>le</strong>va, ajusta sa robe, me regarda d’une étrange façon,<br />

<strong>et</strong> dit :<br />

— C’est <strong>le</strong> linge de M. de Sauv<strong>et</strong>erre ?<br />

— Oui, c’est ainsi que j’ai compris la chose.<br />

191

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!