27.06.2013 Views

L'avers et le revers

L'avers et le revers

L'avers et le revers

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

de ses fourneaux ne perdait mi<strong>et</strong>te de tout cela, comme bien on<br />

pense, sa vie étant toute dévolue à l’espionnage, racontars <strong>et</strong><br />

clabauderies, quand el<strong>le</strong> n’y allait pas de la calomnie, mais d’une<br />

façon si naïve qu’el<strong>le</strong> ne s’en rendait du tout compte.<br />

Le baron me fit un signe de tête puis, entourant du bras<br />

l’épau<strong>le</strong> de son fils <strong>et</strong> lui baillant une forte brassée, il<br />

l’apostropha joyeusement :<br />

— Êtes-vous bien reposé, mon Pierre ?<br />

— On ne peut mieux, monsieur mon père !<br />

— À la bonne heure, fils !<br />

Et <strong>le</strong> baron plongea son quignon de pain dans <strong>le</strong> lait <strong>et</strong>, <strong>le</strong><br />

re<strong>le</strong>vant aussitôt, l’enfourna dans sa bouche, grande ouverte<br />

comme un fourneau, puis tout en mâchant à grand bruit de<br />

mastication, promena un regard circulaire autour de la sal<strong>le</strong><br />

commune. Il y avait céans, à l’autre extrémité de la longue tab<strong>le</strong>,<br />

la Gavach<strong>et</strong>te <strong>et</strong> <strong>le</strong>s deux p<strong>et</strong>its de Barberine, qui mangeaillaient<br />

aussi de bel appétit tout en causant de tapageuse manière.<br />

— Mon Pierre, vois-tu comme est mignonn<strong>et</strong>te c<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite<br />

Gavach<strong>et</strong>te ? dit soudain <strong>le</strong> baron à son fils en se penchant à son<br />

oreil<strong>le</strong>.<br />

— Savez-vous bien son âge <strong>et</strong> que son arrière-grand-père<br />

vous pourriez être ? répondit mon maître en souriant.<br />

Le baron se redressa <strong>et</strong>, par gausserie, regarda son fils<br />

comme si on l’avait outragé.<br />

— Mais l’âge ne fait rien à l’affaire ! Ai-je l’allure d’un vieux<br />

barbon ?<br />

— Que nenni, monsieur mon père, loin de moi une tel<strong>le</strong><br />

pensée !<br />

De fait, à <strong>le</strong> considérer avec attention, <strong>le</strong> baron qui devait<br />

pourtant avoir dépassé la cinquantaine de quelques courtes<br />

années, portait beau, la démarche élastique, <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s bien<br />

découpées, <strong>le</strong> buste droit, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s yeux vifs dans un visage où la<br />

maturité se lisait plus que la vieil<strong>le</strong>sse. Il reprit sur <strong>le</strong> ton du<br />

maître à l’écolier :<br />

— C<strong>et</strong>te Gavach<strong>et</strong>te est jeun<strong>et</strong>te, certes, mais à voir <strong>le</strong>s airs<br />

qu’el<strong>le</strong> se donne <strong>et</strong> <strong>le</strong>s sourires qu’el<strong>le</strong> lance, c’est déjà une p<strong>et</strong>ite<br />

femme ! Et je ne serais pas étonné qu’el<strong>le</strong> en soit plus loin que<br />

ce que vous croyez, mon Pierre !<br />

172

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!