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L'avers et le revers

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qu’il n’avait que trois ans à l’époque, François vécut la chose à<br />

l’identique de sa mère Isabel<strong>le</strong>, laquel<strong>le</strong> se sentit prou humiliée<br />

par c<strong>et</strong>te présence quotidienne qui lui rappelait tout à la fois <strong>le</strong><br />

péché, la mésalliance, l’abandon, <strong>et</strong> constituait une insufférab<strong>le</strong><br />

personnification de l’acte abominab<strong>le</strong> que son mari eut avec une<br />

simp<strong>le</strong> paysanne. Si Isabel<strong>le</strong> de Siorac avait eu plus d’expérience<br />

de la vie, <strong>et</strong> des hommes surtout, el<strong>le</strong> aurait su que certains ne<br />

peuvent être r<strong>et</strong>enus, qu’ils courent après <strong>le</strong> plaisir comme<br />

d’autres vont à la chasse, mais qu’ils reviennent toujours à la<br />

niche à la fin de la battue. El<strong>le</strong> ignorait cela <strong>et</strong> en pâtit plus<br />

qu’une autre, y voyant la marque d’un grand désamour de son<br />

mari pour ce qu’el<strong>le</strong> était catholique, ce qui en vérité ne<br />

changeait rien à ce que <strong>le</strong> baron était, <strong>et</strong> demeura, jusqu’à sa<br />

mort.<br />

Or donc, François, épousant en cela la détresse de sa mère –<br />

on ne peut <strong>le</strong> lui reprocher –, resta toujours <strong>et</strong> avec une<br />

remarquab<strong>le</strong> opiniâtr<strong>et</strong>é, hosti<strong>le</strong> au malheureux Samson qui<br />

n’en pouvait mais.<br />

Samson se <strong>le</strong>va, réveilla la p<strong>et</strong>ite Hélix – était-ce une<br />

habitude ? – <strong>et</strong> nous descendîmes tous trois jusqu’à la sal<strong>le</strong><br />

commune. La Maligou s’y trouvait <strong>et</strong>, dès qu’el<strong>le</strong> m’aperçut, <strong>le</strong>va<br />

ses bras au ciel, poussa <strong>le</strong>s mêmes cris d’orfraie qu’el<strong>le</strong> avait<br />

lancés la veil<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> charnier, se signa mil<strong>le</strong> fois <strong>et</strong> se mit à<br />

dévider sa longue ficel<strong>le</strong> superstitieuse avec une force qui me<br />

laissa béant.<br />

— Doux Jésus ! Sainte Vierge ! Par tous <strong>le</strong>s Saints ! C’est <strong>le</strong><br />

Diab<strong>le</strong> ! Le Malin est au château qui vo<strong>le</strong> par-dessus <strong>le</strong>s murs<br />

pour nous corrompre ! Protégez-nous du mal, Tout-Puissant ! Il<br />

a trompé <strong>le</strong> baron, <strong>et</strong> même Sauv<strong>et</strong>erre, <strong>et</strong> nous traînera par <strong>le</strong>s<br />

cheveux dans <strong>le</strong>s feux de l’enfer ! Nous sommes perdus, tous, si<br />

nous ne <strong>le</strong> j<strong>et</strong>ons au bas des murail<strong>le</strong>s, avec du sel dans <strong>le</strong>s yeux<br />

<strong>et</strong> <strong>le</strong>s oreil<strong>le</strong>s !<br />

Samson <strong>et</strong> la p<strong>et</strong>ite Hélix en restèrent interdits, mu<strong>et</strong>s de<br />

stupeur, <strong>et</strong> Samson, à qui ce discours devant moi faisait honte<br />

assez, je crois, me j<strong>et</strong>a un regard suppliant, comme pour me<br />

demander d’excuser ces incroyab<strong>le</strong>s débordements. Mais il ne<br />

disait rien, bien incapab<strong>le</strong>, comme en toute circonstance,<br />

d’exercer la moindre autorité sur quiconque.<br />

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