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L'avers et le revers

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Mon maître me considéra avec attention, resta coi un<br />

moment, puis se pencha vers moi <strong>et</strong> déclara à voix basse :<br />

— Et que la Margot ne soit pas venue hier, pour Miroul, c’est<br />

plus cruel que toute autre chose…<br />

— Oui, dis-je, <strong>le</strong> regard baissé comme catholique à confesse,<br />

<strong>et</strong> de l’avouer me fit un grand bien, car <strong>le</strong> bonheur se peut<br />

porter seul, mais il en est plus malaisé du malheur qui se<br />

partage volontiers.<br />

Mon maître sourit, mais sans irrision aucune, <strong>et</strong> se renversa<br />

au fond de sa chaise.<br />

— Nous sel<strong>le</strong>rons nos chevaux <strong>et</strong> nous irons tous deux, dès ce<br />

matin, à la ferme de ses parents pour tirer cela au clair.<br />

— Je vous mercie humb<strong>le</strong>ment de la peine que vous prenez à<br />

une affaire de si peu de conséquence, Moussu Pierre.<br />

— De si peu de conséquence, dis-tu ? Peut-être ces affaires-là<br />

sont-el<strong>le</strong>s plus importantes que d’é<strong>le</strong>ver un mur d’enceinte ou<br />

de curer <strong>le</strong>s douves du château !<br />

De la grande bénignité <strong>et</strong> humanité de mon maître, j’en avais<br />

encore la preuve en ce prédicament, <strong>et</strong> surtout au regard de la<br />

grande dou<strong>le</strong>ur où il se trouvait à suivre journel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> déclin<br />

de sa pauvre p<strong>et</strong>ite Hélix.<br />

Cependant, nous étions à peine sortis dans la cour<br />

qu’Escorgol nous héla du haut du châtel<strong>et</strong> d’entrée, très à<br />

l’agitation <strong>et</strong> pointant son bras en direction de l’î<strong>le</strong>.<br />

— Qu’y a-t-il, Escorgol ? Est-ce attaque de Roumes, de gueux<br />

ou seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il qui te joue des tours ? répondit mon<br />

maître se gaussant.<br />

— Rien de tout cela, Moussu Pierre, c’est un simp<strong>le</strong> paysan<br />

que point ne connais mais qui s’en vient ici.<br />

— Eh bien, à sa rencontre, allons ! Voyons ce que nous veut<br />

ce pauvre diab<strong>le</strong> ! lança mon maître.<br />

Et je <strong>le</strong> suivis, nous portant au-devant du quidam que nous<br />

encontrâmes peu avant <strong>le</strong> second pont-<strong>le</strong>vis. C’était en vérité un<br />

bien pauvre paysan que nous avions là, de p<strong>et</strong>ite tail<strong>le</strong>, vêtu de<br />

frusques râpeuses <strong>et</strong> élimées, l’air fatigué assez, la moustache<br />

tombante <strong>et</strong> à la tristeuse mine. Il s’arrêta en nous apercevant,<br />

<strong>et</strong> quand nous fûmes à sa hauteur, se tint coi, <strong>le</strong>s bras ballants,<br />

gauche <strong>et</strong> intimidé.<br />

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