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L'avers et le revers

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espérer pour une journée de labeur, lors même qu’el<strong>le</strong> n’avait<br />

point travaillé du tout, tout <strong>le</strong> rebours, n’ayant pris que du bon<br />

temps en une fol<strong>le</strong> <strong>et</strong> inespérée escapade. C’est en voyant <strong>le</strong><br />

maître se séparer, sans y penser, du compte de deux journées<br />

pour payer une seu<strong>le</strong> journée, chômée de surcroît, qu’on mesure<br />

mieux que certains ont trop <strong>et</strong> d’autres pas assez. Je ne sais si<br />

Margot r<strong>et</strong>int la <strong>le</strong>çon, car il est une dure erreur bien enfoncée<br />

en la tête du paysan, qui raisonne ici à l’aune de sa pauvr<strong>et</strong>é,<br />

que <strong>le</strong> maître ne peut bail<strong>le</strong>r plus que ce qu’il donne, <strong>et</strong> que<br />

demander davantage serait exiger de lui un effort financier qu’il<br />

ne peut tenir. Il n’en est rien, <strong>et</strong> je me suis trouvé suffisamment<br />

près des poches des maîtres pour savoir qu’ils peuvent<br />

beaucoup plus que la charité qu’ils accordent.<br />

Mon maître ne me reparla jamais de notre équipée en la vil<strong>le</strong><br />

de Sarlat, <strong>et</strong> comme je l’ai dit déjà, la tenant sans doute pour<br />

peu glorieuse, la raya tout à p<strong>le</strong>in de sa mémoire. Plusieurs<br />

années plus tard, à Paris, lors que nous nous trouvions auprès<br />

de la cour du roi Henri III, <strong>le</strong>quel avait succédé à Char<strong>le</strong>s IX peu<br />

de temps après l’horrib<strong>le</strong> massacre de la Saint-Barthé<strong>le</strong>my, je<br />

l’évoquai un jour où nous n’avions rien de mieux à faire que<br />

clabauder <strong>et</strong> nous distraire. Il me plut ainsi de lui rappe<strong>le</strong>r c<strong>et</strong>te<br />

soudaine générosité envers la Margot qui m’avait tant saisi <strong>et</strong><br />

empli d’admiration.<br />

Tournant vers moi une face étonnée, il me regarda<br />

longuement comme s’il cherchait en sa remembrance un fait de<br />

la toute p<strong>et</strong>ite enfance, <strong>et</strong> son visage se troubla parce qu’il était<br />

incapab<strong>le</strong> de s’en rien souvenir. À la parfin, mouvant sa tête de<br />

droite <strong>et</strong> de gauche en signe de dénégation, d’une voix très<br />

calme où nul mensonge ne perçait, il me dit :<br />

— Tu dois confondre avec une libéralité de mon père, mon<br />

brave Miroul, car je ne crois pas avoir jamais fait avec la Margot<br />

ce que tu prétends céans.<br />

Et du voyage à Sarlat il eut <strong>le</strong> même sincère étonnement, si<br />

bien que je bafouillai une excuse, avançant que ma mémoire me<br />

faisait proprement défaut, sans doute, <strong>et</strong> qu’il y eut bien, peutêtre,<br />

tout se brouillant dans <strong>le</strong> passé car c’était si loin, un voyage<br />

que je fis à Sarlat avec son père <strong>et</strong> la Margot, <strong>et</strong> qu’il était bien<br />

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