L'avers et le revers
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fasciné par sa mère <strong>et</strong> ses explications qu’il ne devait pourtant<br />
guère saisir. Parfois, <strong>le</strong> nez lui coulant, il y m<strong>et</strong>tait un doigt<br />
comme pour bloquer la fuite, ce qui faisait qu’il recevait<br />
incontinent sur la main une p<strong>et</strong>ite claque donnée par Barberine.<br />
Lors il r<strong>et</strong>irait son doigt <strong>et</strong> <strong>le</strong> glissait dans sa bouche, <strong>et</strong> sa mère<br />
derechef lui donnait une claque sur la main. Ann<strong>et</strong> croisait<br />
ensuite ses bras, à regr<strong>et</strong>, non sans renif<strong>le</strong>r assez fort pour<br />
refluer dans ses p<strong>et</strong>its naseaux <strong>le</strong> jus liquide qui <strong>le</strong> gênait.<br />
Par sa corpu<strong>le</strong>nce, sa forte poitrine, sa tail<strong>le</strong>, <strong>et</strong> parce que,<br />
par contraste, <strong>le</strong>s enfants autour d’el<strong>le</strong> étaient si menus,<br />
Barberine <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te marmail<strong>le</strong> évoquaient la pou<strong>le</strong>, mibienveillante<br />
mi-autoritaire, <strong>et</strong> ses poussins désarmés, pressés<br />
sous son ai<strong>le</strong> protectrice. Je n’eus pas <strong>le</strong> temps de m’atendrézir<br />
devant ce joli spectac<strong>le</strong> que la Maligou, dès qu’el<strong>le</strong> nous aperçut,<br />
se précipita vers mon maître, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s mains sur <strong>le</strong>s hanches, <strong>le</strong><br />
sourcil froncé, se cambra face à lui, dressée sur ses ergots.<br />
— Peux-je savoir, Moussu Pierre, combien de temps restera<br />
au château ce discip<strong>le</strong> de Belzébuth ? dit-el<strong>le</strong> en me désignant<br />
d’un coup de menton agressif.<br />
— La Maligou, ne va pas recommencer c<strong>et</strong>te querel<strong>le</strong> ! Je t’en<br />
ai déjà dit ma râtelée : Miroul est mon val<strong>et</strong> <strong>et</strong> demeurera à<br />
Mespech aussi longtemps que moi-même, répondit mon maître.<br />
Il voulut continuer son chemin mais la Maligou, qui avait dû<br />
préparer son affaire, lui barra <strong>le</strong> passage <strong>et</strong> lui dévida la suite de<br />
son discours.<br />
— Moussu Pierre, je vous <strong>le</strong> dis tout n<strong>et</strong>, s’il reste, je pars ! Et<br />
vous perdrez prou en me voyant disparaître car oncques ne<br />
trouverez meil<strong>le</strong>ure cuisinière que moi dans tout <strong>le</strong> pays ! Et<br />
capab<strong>le</strong> de nourrir tant de gosiers, chaque jour, <strong>et</strong> sans que<br />
personne ne se plaigne, tout <strong>le</strong> rebours, à roter de plaisir quand<br />
ils ont fini <strong>et</strong> à se passer la main sur la panse comme des<br />
bienheureux, il n’y en a pas, sauf la Maligou !<br />
Sur ce, el<strong>le</strong> se tut, attendant la réaction de mon maître,<br />
laquel<strong>le</strong> tarda un peu pour ce que Pierre de Siorac n’avait pas<br />
attendu un marché de c<strong>et</strong>te nature, Miroul ou la Maligou,<br />
d’autant plus que ce qu’el<strong>le</strong> prétendait sur el<strong>le</strong> était ma foi plus<br />
que vrai, des cuisinières comme el<strong>le</strong> étant dur à encontrer,<br />
même que Barberine, à ce que j’en sus plus tard, qui avait été<br />
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