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L'avers et le revers

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— Que non point, Moussu, <strong>le</strong>s sœurs n’y sont plus depuis<br />

quelques années, <strong>le</strong> bâtiment étant par trop ruiné, <strong>et</strong> n’est plus<br />

en usance par l’Église.<br />

— Lors quoi ! Qui s’y trouve asteure <strong>et</strong> que fait-on des<br />

garces ?<br />

— C’est un bordeau, Moussu… répondit <strong>le</strong> commis en<br />

baissant la voix.<br />

— Un bordeau… répéta mon maître, <strong>et</strong> il s’accoisa tout à<br />

p<strong>le</strong>in.<br />

Ainsi, c’est par la bouche de ce faquin de commis que nous<br />

apprîmes la vraie destination de Margot, condamnée à devenir<br />

fil<strong>le</strong> de joie, possédée par tous à longueur de jour, engrossée<br />

mil<strong>le</strong> fois, <strong>et</strong> par infectes maladies menacée en sa santé <strong>et</strong> en<br />

son existence. J’en fus un temps brisé, tant <strong>le</strong> pâtiment dont<br />

Margot avait dû à souffrir me paraissait incurab<strong>le</strong>, inconsolab<strong>le</strong><br />

<strong>et</strong> désespéré.<br />

Et je cuide que, maugré <strong>le</strong>s années qui passent <strong>et</strong> qui sont tel<br />

un onguent à toutes <strong>le</strong>s plaies de la vie, ou presque, j’en veux<br />

encore à mon maître de la question qu’il posa alors au commis :<br />

— Et la marchandise, comme tu l’appel<strong>le</strong>s, vous y goûtiez<br />

avant que de la rem<strong>et</strong>tre à Cocquelain ?<br />

Le commis point ne répondit, mais à ses yeux fuyants <strong>et</strong> son<br />

regard apeuré, il n’y eut pour moi, comme pour mon maître <strong>et</strong><br />

Jonas, nul<strong>le</strong> doutance sur la réalité de la chose. C’est par un fol<br />

instinct plus fort que la raison que je sortis mon cotel <strong>et</strong> marchai<br />

sus à c<strong>et</strong> homme à terre, mais Jonas me saisit par <strong>le</strong> bras, me<br />

bloqua, lors mon maître, se r<strong>et</strong>ournant, m’aperçut <strong>et</strong> sourcilla.<br />

— Miroul, me dit-il, j’interdis ici toute autre meurtrerie,<br />

quand bien même <strong>le</strong> maraud que voilà la mériterait !<br />

Il fit bien, assurément, car c<strong>et</strong> infâme commis, je l’aurais<br />

occis, sans autre forme de procès, <strong>et</strong> de c<strong>et</strong> unique meurtre de<br />

mon existence, hormis ceux où ma vie <strong>et</strong> cel<strong>le</strong> de mes maîtres<br />

étaient à défendre, j’aurais conservé une indélébi<strong>le</strong> souillure à<br />

mon âme, <strong>et</strong> au terme de son chemin n’avons point nécessité<br />

d’un tel fardeau au moment de rendre des comptes à Dieu.<br />

— Et qui dirige ce bordeau ? reprit mon maître.<br />

— D’autres garces, Moussu, qui font commerce de <strong>le</strong>urs<br />

sœurs, qu’el<strong>le</strong>s emprisonnent.<br />

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