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L'avers et le revers

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Margot fut si légère qu’el<strong>le</strong> pénétra en la grange sans que j’en<br />

fusse a<strong>le</strong>rté, si bien qu’el<strong>le</strong> se trouva tout soudain face à moi, ses<br />

yeux de chatte me dévisageant comme si j’étais un quidam que<br />

oncques el<strong>le</strong> n’avait encontré. Et je vis bien dans son regard <strong>et</strong><br />

sa roide attitude que l’inquiétude avait œuvré en son âme, y<br />

distillant un doute sur ma personne, <strong>et</strong> qu’el<strong>le</strong> s’était presque<br />

attendue à ne point me trouver céans.<br />

D’un bond je me <strong>le</strong>vai, <strong>et</strong> courant à el<strong>le</strong>, <strong>et</strong> el<strong>le</strong> à moi, nous<br />

nous choquâmes à mi-chemin, <strong>et</strong> nous serrant à étouffer, de<br />

p<strong>le</strong>urs <strong>et</strong> de rires mêlés, nous ne fîmes plus qu’un jusqu’à ce que<br />

nos émotions reprennent indépendance. Lors je l’entraînai au<br />

plus profond de la pail<strong>le</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong> remue-ménage que ce fut, je <strong>le</strong><br />

garde en moi, <strong>et</strong> ne <strong>le</strong> livrerai à quiconque, quand bien même on<br />

me conduirait au gib<strong>et</strong>, car c’est là félicité du grand<br />

émeuvement des sens que seu<strong>le</strong> jeunesse connaît <strong>et</strong> qui ne se<br />

peut décrire.<br />

Mais même dans <strong>le</strong> plaisir la lassitude s’invite <strong>et</strong> nous fumes<br />

tantôt allongés, flanc contre flanc <strong>et</strong> <strong>le</strong>s yeux au plafond, à<br />

murmurer notre béatitude <strong>et</strong> l’ivresse du moment. À la parfin,<br />

une crainte m’enveloppa que je lui confiai sans détour.<br />

— Et si d’un pitchoune nos jeux en étaient <strong>le</strong> terme ?<br />

— Je sais <strong>le</strong>s cyc<strong>le</strong>s des garces, connais <strong>le</strong> mien <strong>et</strong> rien ne<br />

devrait advenir asteure, répondit-el<strong>le</strong>.<br />

— Et si quand même ?<br />

— Lors je sais aussi <strong>le</strong>s herbes pour faire pourrir <strong>et</strong> tomber <strong>le</strong><br />

fruit.<br />

— Ce serait mal…<br />

— Vramy, <strong>et</strong> pourquoi cela ? Ma grand-mère l’a fait lors<br />

qu’el<strong>le</strong> était tant jeune qu’el<strong>le</strong> ne s’en voulait marier, <strong>et</strong> m’en a<br />

causé pour m’en faire éducation. Et d’un pitchoune point ne<br />

veux encore !<br />

— Moi non plus, Margot.<br />

De ceci jamais nous ne reparlâmes <strong>et</strong> j’eus fiance en Margot<br />

pour la question, n’ayant moi-même aucun pouvoir dans <strong>le</strong><br />

cours de ce destin-là. Au demeurant, par la suite, el<strong>le</strong> se refusa à<br />

plusieurs reprises, non point que l’envie lui manquât mais parce<br />

qu’el<strong>le</strong> devait, de ce cyc<strong>le</strong> des garces dont el<strong>le</strong> m’avait causé <strong>et</strong><br />

dont j’ignorais tout, se trouver au moment où <strong>le</strong> risque était<br />

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