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L'avers et le revers

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massacra tous, pas un n’en réchappa, <strong>et</strong> l’eff<strong>et</strong> que c<strong>et</strong>te tuerie<br />

fit sur mon esprit, je vous <strong>le</strong> laisse deviner, moi qui avais été<br />

é<strong>le</strong>vé au milieu de ces braves bêtes, <strong>le</strong>s aimant <strong>et</strong> <strong>le</strong>s respectant<br />

presque autant que ma famil<strong>le</strong>. De chiens, nous n’en eûmes<br />

jamais plus, <strong>et</strong> je me suis longtemps demandé, alors que je me<br />

mêlais à eux tous <strong>le</strong>s jours, pourquoi <strong>le</strong> sort avait choisi mon<br />

pauvre frère Colin qui <strong>le</strong>s fréquentait peu, <strong>et</strong> non moi.<br />

On habilla Colin de ses plus beaux habits <strong>et</strong> l’enveloppant<br />

d’un linceul immaculé, nous <strong>le</strong> déposâmes au fond de la<br />

charr<strong>et</strong>te que notre courtaud tira jusqu’à Vergt. Ce fut un bien<br />

pénib<strong>le</strong> cortège, mon père <strong>et</strong> ma mère en tête, nous ensuite,<br />

suivis par <strong>le</strong> hameau tout entier, ce qui ne faisait pas grand<br />

monde, vu que celui-ci ne comptait que trois famil<strong>le</strong>s.<br />

Comme bien on pense, la vie reprit son cours après ce triste<br />

événement, mais la trace funeste en resta imprégnée des mois<br />

dans nos mémoires <strong>et</strong> ne put jamais s’effacer tout à p<strong>le</strong>in.<br />

À ce stade de mon récit, il me faut faire une pause – aussi<br />

brève que possib<strong>le</strong> – car <strong>le</strong> banal chemin que je suivais devait<br />

croiser la route tumultueuse de l’Histoire de France, laquel<strong>le</strong><br />

allait emporter dans ses folies nombre de drô<strong>le</strong>s de mon espèce.<br />

Je n’avais bien sûr à l’époque aucunement conscience de ce qui<br />

se jouait à l’échel<strong>le</strong> du royaume <strong>et</strong> si j’en touche un mot céans,<br />

c’est pour ramentevoir au <strong>le</strong>cteur des temps diffici<strong>le</strong>s, qu’il a<br />

peut-être oubliés depuis la signature de l’édit de pacification 2<br />

voulu par notre bon roi Henri IV en 1598.<br />

À l’époque de mon enfance, nous autres huguenots, adeptes<br />

de la religion réformée de Calvin <strong>et</strong> de Luther, n’avions<br />

aucunement la liberté d’exercer notre culte, <strong>le</strong>s persécutions par<br />

<strong>le</strong>s catholiques étaient monnaie courante, <strong>et</strong> on brûlait <strong>le</strong>s<br />

hérétiques sous <strong>le</strong> règne du roi Henri II, <strong>et</strong> ceci jusqu’à sa mort<br />

en 1559. J’en appel<strong>le</strong> à l’indulgence des catholiques qui liraient<br />

ces lignes <strong>et</strong> qui s’en trouveraient mortifiés, car mon but n’est<br />

pas de forcer <strong>le</strong> trait que l’on peut faire de c<strong>et</strong>te période<br />

troublée, ni de noircir un camp pour mieux dédouaner l’autre,<br />

2 Édit de Nantes.<br />

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