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L'avers et le revers

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figea de peur, <strong>le</strong>s mains autant tremblantes que feuil<strong>le</strong>s agitées<br />

par <strong>le</strong> vent.<br />

— Il suffit maintenant avec ces menteries ! cria mon maître.<br />

Tant bien, vois-tu, que nous savons que, sur c<strong>et</strong>te route, tu as<br />

embarqué une garce <strong>et</strong> que, depuis lors, el<strong>le</strong> ne s’en est point<br />

r<strong>et</strong>ournée au logis !<br />

L’agitation de la scène a<strong>le</strong>rta l’a<strong>le</strong>ntour car, d’une arrièresal<strong>le</strong>,<br />

nous vîmes surgir un quidam, grand <strong>et</strong> fort, qui, voyant <strong>le</strong><br />

drapier en tel<strong>le</strong> péril<strong>le</strong>use situation, saisit une barre de fer<br />

recourbée comme un gigantesque hameçon – ce pourrait qu’il<br />

s’agissait d’un croch<strong>et</strong> de boucher – <strong>et</strong> la brandissant au-dessus<br />

de sa tête nous marcha sus d’un pas décidé.<br />

— Tire ton épée, Samson ! hurla mon maître. Jonas, à moi !<br />

Son épée, Samson la tira, mais il resta ainsi, la rapière à la<br />

main, immobi<strong>le</strong>, sans cils bouger, aussi menaçant que <strong>le</strong> joli<br />

tab<strong>le</strong>au d’un peintre, <strong>et</strong> je cuide assez que notre jeunesse à tous<br />

trois n’était pas pour intimider <strong>le</strong> nouveau venu qui,<br />

s’approchant du drapier, <strong>le</strong> tira bruta<strong>le</strong>ment en arrière hors<br />

d’atteinte de mon maître. Cependant, malgré ce fait d’armes,<br />

l’avantage restait de notre côté car <strong>le</strong> drapier, grelottant de peur,<br />

ne comptait guère dans l’algarade, d’autant que j’avais sorti<br />

mon cotel du pourpoint, prêt à en user si nécessité s’en faisait<br />

sentir. Sur quoi, Jonas déboula à son tour au milieu de tous, tel<br />

un ours des montagnes, <strong>et</strong> son énorme tail<strong>le</strong>, ses bras<br />

démesurés <strong>et</strong> sa mâ<strong>le</strong> figure eurent un tout autre eff<strong>et</strong> sur<br />

l’homme au croch<strong>et</strong> de fer. Il recula, <strong>et</strong> baissa son arme, ne se<br />

sentant pas de tail<strong>le</strong> à vaincre quatre adversaires, dont deux<br />

gentilshommes maniant l’épée, un val<strong>et</strong> jouant du cotel, <strong>et</strong> un<br />

colosse qui d’un coup de patte l’eût envoyé sur <strong>le</strong> sol.<br />

— Pose ce croch<strong>et</strong>, dit mon maître <strong>et</strong> <strong>le</strong> ton qui<strong>et</strong> <strong>et</strong> assuré de<br />

sa voix m’esbahit fort après un tel remuement. Voilà qui est<br />

bien… Jonas, tu nous prends c<strong>et</strong> hameçon à éventrer <strong>le</strong>s vaches.<br />

Très bien… Et à présent, qui es-tu donc, coquin ?<br />

— C’est mon commis… répondit <strong>le</strong> maître drapier, <strong>le</strong>quel, la<br />

mine défaite, semblait revenir de l’enfer.<br />

— Qui pourrait bien aussi en être de notre affaire ! reprit<br />

mon maître.<br />

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