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L'avers et le revers

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entamé son enfance dans une ferme, recueilli au château à la<br />

mort de sa mère, <strong>et</strong> ne portant <strong>le</strong> nom de Siorac que par un acte<br />

notarié tardif voulu par son père, il n’avait aucune<br />

revendication, comme s’il était encore tout estourdi – <strong>et</strong><br />

reconnaissant – d’avoir du jour au <strong>le</strong>ndemain quitté <strong>le</strong>s champs<br />

<strong>et</strong> <strong>le</strong>s labours pour une particu<strong>le</strong> inespérée. Sa nature profonde,<br />

d’une grande bénignité <strong>et</strong> préférant par-dessus tout <strong>le</strong><br />

compromis au conflit, <strong>le</strong> poussait à aimer Mespech comme un<br />

tout, <strong>et</strong> François faisait bien évidemment partie de ce tout. Si<br />

Samson avait eu un caractère plus affirmé, il aurait fonctionné<br />

comme un heureux contrepoids au tempérament entier <strong>et</strong><br />

impétueux de Pierre, mais il n’était pas fait d’un si<strong>le</strong>x<br />

suffisamment tranchant <strong>et</strong>, pour c<strong>et</strong>te raison, était à la fois<br />

apprécié de tous – ou presque, je reviendrai sur ce point – mais,<br />

somme toute, je pus m’en apercevoir à maintes reprises, assez<br />

peu considéré.<br />

— Si notre val<strong>et</strong> veut bien nous suivre ? dit Pierre en se<br />

gaussant, s’attirant incontinent un regard de reproche de la part<br />

de Samson, il pourra découvrir la place qu’il occupera<br />

désormais.<br />

— Je suis votre serviteur, Moussu Pierre, répondis-je avec<br />

sérieux.<br />

Et Pierre de s’esbouffer à gorge déployée. Pendant quelques<br />

semaines, il considéra notre nouvel<strong>le</strong> relation de maître à val<strong>et</strong><br />

comme jeu d’enfant <strong>et</strong> me titilla sur mon rôl<strong>et</strong> de serviteur<br />

comme pour vérifier si j’étais capab<strong>le</strong> de <strong>le</strong> tenir tout à p<strong>le</strong>in.<br />

Capab<strong>le</strong>, je l’étais, <strong>et</strong> bien davantage, car je vivais la chose<br />

comme une promotion, <strong>et</strong> – pardieu ! – j’avais bien raison de<br />

l’envisager ainsi, <strong>et</strong> c’est d’une limpide évidence pour qui a<br />

connu <strong>le</strong> triste état de paysan ou de larron.<br />

Pierre <strong>et</strong> Samson, comme s’ils étaient deux frères de lait,<br />

dormaient dans <strong>le</strong> même lit, mais grand assez pour qu’ils ne se<br />

gênassent pas l’un l’autre, François ayant une chambre pour lui<br />

seul. Dans la pièce des deux cad<strong>et</strong>s dormait aussi la p<strong>et</strong>ite Hélix,<br />

dont <strong>le</strong> surnom avait traversé <strong>le</strong>s ans, car p<strong>et</strong>ite el<strong>le</strong> ne l’était<br />

point, étant de quatre ou cinq années l’aînée de Pierre. La p<strong>et</strong>ite<br />

Hélix était fil<strong>le</strong> de Barberine, nourrice de la baronne qui avait<br />

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