L'avers et le revers
L'avers et le revers
L'avers et le revers
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
qu’on <strong>le</strong>s remarque, <strong>et</strong> savent traquer <strong>le</strong> gibier pour surgir où on<br />
ne <strong>le</strong>s attend pas. Mais nous ne vîmes rien ni personne franchir<br />
à notre suite <strong>le</strong>s portes de la vil<strong>le</strong>, <strong>et</strong> nous reprîmes notre route,<br />
piquant un vif galop pour nous r<strong>et</strong>rouver au plus vite dans <strong>le</strong><br />
couvert du sous-bois.<br />
Des embûches, nous n’en eûmes aucune sur la route du<br />
r<strong>et</strong>our tant <strong>et</strong> si bien que Samson se porta à hauteur de mon<br />
maître <strong>et</strong> devisant avec lui, non de la l<strong>et</strong>tre de <strong>le</strong>ur père, mais de<br />
la cité de Sarlat, de sa presse, de son exubérance <strong>et</strong> de son<br />
opu<strong>le</strong>nce, s’appliqua à soigner l’âme meurtrie de son frère en <strong>le</strong><br />
distrayant de son mieux. Brave <strong>et</strong> discr<strong>et</strong> Samson qui sentait si<br />
bien <strong>le</strong>s choses pour <strong>le</strong>s autres qu’il en oubliait de <strong>le</strong>s vivre pour<br />
lui-même, à tel point qu’une étonnante indifférence semblait<br />
l’habiter quant aux événements <strong>et</strong> traverses de l’existence.<br />
De mon côtel, ce r<strong>et</strong>our fut une félicité, Margot me serrait<br />
doucement contre moi <strong>et</strong> nos corps s’épousaient finement au<br />
gré du balancement du cheval. Dans <strong>le</strong>s descentes, car <strong>le</strong> chemin<br />
était montueux <strong>et</strong> malaisé, son buste s’alourdissait, sa poitrine<br />
massait mon dos, ses jambes pressaient <strong>le</strong>s miennes, <strong>et</strong> je voyais<br />
soudain son museau passer par-dessus mon épau<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> ne<br />
faisait rien pour se r<strong>et</strong>enir, laissant la nature <strong>et</strong> <strong>le</strong>s caprices du<br />
chemin nous rapprocher <strong>et</strong> nous unir, puis nous disjoindre, puis<br />
nous réunir derechef, s’abandonnant lascivement, cuisses<br />
ouvertes enserrant mes flancs. Le désir me submergea à<br />
plusieurs reprises, que je dus soum<strong>et</strong>tre <strong>et</strong> étouffer, <strong>et</strong> je ne<br />
saurais affirmer si Margot, par sa position <strong>et</strong> sa féminité, alla<br />
plus loin, en cach<strong>et</strong>te derrière moi, mais je <strong>le</strong> crois assez,<br />
puisqu’il me sembla percevoir, deux ou trois fois, comme un<br />
soupir ou un râ<strong>le</strong> étouffé qui lui sortait du dedans <strong>et</strong> la<br />
parcourait d’un frisson. Chère <strong>et</strong> tendre Margot, si j’ai pu ce<br />
jour-là, tout en guidant <strong>le</strong>s pas de mon cheval, te donner un<br />
long <strong>et</strong> suave plaisir, j’en suis encore tout atendrézi <strong>et</strong> empli de<br />
bonheur !<br />
Mais on <strong>le</strong> sait tous, <strong>et</strong> il faut s’en faire une raison, rien ne<br />
dure, hélas, <strong>et</strong> tout s’interrompt, ne laissant que <strong>le</strong> regr<strong>et</strong> du<br />
passé qui oncques ne se r<strong>et</strong>rouve. Non loin de Mespech, el<strong>le</strong> me<br />
montra un sentier qui partait à sénestre <strong>et</strong> me fit signe qu’el<strong>le</strong><br />
devait descendre <strong>et</strong> regagner son logis. Ah, vramy, je l’aurais<br />
162