L'avers et le revers
L'avers et le revers
L'avers et le revers
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
qu’ils se tiennent à genoux, s’ils ne désirent se <strong>le</strong>ver ! Peut-être,<br />
en <strong>le</strong>s sièc<strong>le</strong>s à venir, c<strong>et</strong>te conscience viendra où mes frères<br />
laquais <strong>et</strong> paysans pourront redresser la tête, mais je n’en suis<br />
pas trop assuré, n’ayant pas asteure une vue tant optimiste de<br />
l’humaine condition.<br />
J’hésite, <strong>le</strong>s ayant relues, à biffer ces pensées car je n’ignore<br />
pas qu’il me faudra, pour la publication de ces Mémoires,<br />
l’assentiment du roi, <strong>et</strong> qu’on peut trouver à y redire de ce que<br />
j’écris là. Il me semb<strong>le</strong> néanmoins que je peux avoir fiance en la<br />
libéralité de notre bon roi Henri IV, protestant en conscience,<br />
catholique par ambition roya<strong>le</strong>, <strong>et</strong> qui a connu de par <strong>le</strong> fait, <strong>et</strong><br />
du dedans, <strong>le</strong>s deux faces de l’oppression religieuse. Et celui qui<br />
a eu la grandeur de signer l’édit de pacification, m<strong>et</strong>tant fin<br />
définitivement à tant <strong>et</strong> tant d’horreurs <strong>et</strong> de cruautés, ne<br />
devrait guère s’offusquer de ce léger égarement dont je me suis<br />
rendu coupab<strong>le</strong> à l’instant.<br />
Le soir même, <strong>le</strong> baron réunit ses trois fils en la librairie de<br />
Mespech, <strong>et</strong> je vins aussi, car mon maître <strong>le</strong> désira, <strong>et</strong> je me<br />
demande encore si ce n’était pas seu<strong>le</strong>ment pour rebiquer son<br />
frère François, qui n’en avait point, que Pierre de Siorac<br />
promenait ainsi son val<strong>et</strong>, en tous lieux <strong>et</strong> toutes occasions.<br />
Sauv<strong>et</strong>erre était là aussi, recouvert d’une noire <strong>et</strong> austère vêture,<br />
à l’écart, plus sombre <strong>et</strong> si<strong>le</strong>ncieux encore que de coutume.<br />
Jean de Siorac promena son regard azuréen sur sa<br />
progéniture tandis que la Maligou allumait <strong>le</strong>s deux chandeliers<br />
d’étain à cinq branches <strong>et</strong> toutes <strong>le</strong>s chandel<strong>le</strong>s de la pièce, <strong>le</strong>s<br />
trois fils étant fort étonnés de c<strong>et</strong>te extraordinaire dépense, que<br />
Sauv<strong>et</strong>erre avait dû autoriser puisqu’il était présent, <strong>et</strong> qui<br />
participait grandement à l’exceptionnel de la réunion. Le baron<br />
attendit que la Maligou fût sortie pour par<strong>le</strong>r d’une voix grave <strong>et</strong><br />
so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>.<br />
— Mes enfants, <strong>et</strong> toi aussi Miroul puisque je vois que tu es<br />
présent, vous savez que nous avons reçu ce jour d’hui une bien<br />
triste nouvel<strong>le</strong> en cel<strong>le</strong> de la mort d’Étienne de La Boétie. Vous<br />
êtes trop jeunes pour l’avoir connu, mais Sauv<strong>et</strong>erre <strong>et</strong> moi<br />
l’avons fréquenté, puisqu’il est né à Sarlat <strong>et</strong> s’y trouvait encore,<br />
auprès de son père, quand nous sommes arrivés dans la région.<br />
C’était, je vous en assure, un homme de bien, <strong>et</strong> comme je l’ai<br />
128