L'avers et le revers
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ourgeois de la vil<strong>le</strong> bâtissaient prou <strong>et</strong> en tout lieu, c<strong>et</strong>te<br />
carrière valait or <strong>et</strong> rapportait son pesant à <strong>le</strong>urs propriétaires.<br />
On dit que Sauv<strong>et</strong>erre était rude en affaires, <strong>et</strong> là encore, <strong>le</strong><br />
marché, quand je l’appris, me parut avantageux assez pour<br />
Mespech, <strong>et</strong> trop sans doute, mais il est vrai que Jonas ne<br />
réclamait rien, très reconnaissant à ses maîtres du peu qu’ils lui<br />
donnaient, dévoué en tout, étant somme toute un bon exemp<strong>le</strong><br />
de c<strong>et</strong>te servitude volontaire dont par<strong>le</strong> M. de La Boétie.<br />
Tant que la peste infectait <strong>le</strong> pays, Jean de Siorac se méfiait<br />
prou de ceux du dehors, <strong>le</strong>squels pouvaient introduire <strong>le</strong> mal en<br />
<strong>le</strong>s murs <strong>et</strong> <strong>le</strong> transm<strong>et</strong>tre à ceux du dedans, car il ne se pouvait<br />
que l’existence de ceux du dehors soit contrôlée en totalité, <strong>et</strong><br />
qui ils fréquentaient a<strong>le</strong>ntour, de sorte que la frérèche, au plus<br />
fort de l’épidémie, devint plus circonspecte avec Cabusse à qui il<br />
fut demandé d’espacer <strong>le</strong>s <strong>le</strong>çons d’escrime, avec Jonas qui tailla<br />
seul un moment sans savoir pour qui <strong>et</strong> pourquoi, <strong>et</strong> avec la<br />
Margot à qui Escorgol, sur ordre du baron, refusa parfois <strong>le</strong><br />
franchissement du châtel<strong>et</strong> d’entrée, la cantonnant au potager<br />
ou dans l’î<strong>le</strong>.<br />
Quand Cabusse venait donner ses <strong>le</strong>çons d’épée <strong>et</strong> de<br />
combat, là où sueurs <strong>et</strong> humeurs peuvent se mê<strong>le</strong>r plus<br />
aisément <strong>et</strong> qui sont moments de contagion, <strong>le</strong> baron exigeait<br />
que ses trois fils se frottent longuement <strong>le</strong> corps avec du<br />
vinaigre avant que de se rendre à la sal<strong>le</strong>, car <strong>le</strong> vinaigre<br />
repousse <strong>le</strong>s germes <strong>et</strong> <strong>le</strong>s rej<strong>et</strong>te, protégeant par son humeur<br />
froide <strong>et</strong> sèche de tous poisons <strong>et</strong> venins, <strong>et</strong> donc du terrib<strong>le</strong> mal<br />
qui trottait de par <strong>le</strong> pays.<br />
Il est merveil<strong>le</strong> de constater que nul de Mespech ne fut<br />
touché, ceux du dedans comme ceux du dehors, <strong>et</strong> que la mort<br />
qui frappait au hasard, fauchant par grappes entières <strong>et</strong> à plaisir<br />
<strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s <strong>et</strong> <strong>le</strong>s professions, accumulant en tas immondes <strong>le</strong>s<br />
cadavres rongés par <strong>le</strong> mal, épargna ce p<strong>et</strong>it repaire de<br />
huguenots. Je cuide que Sauv<strong>et</strong>erre y vit un signe du ciel, un<br />
encouragement à poursuivre dans la voie tracée, lors que <strong>le</strong><br />
baron, plus médecin que religieux, y vit l’eff<strong>et</strong> des précautions<br />
qu’il imposa à tous avec la plus grande des sévérités.<br />
La fin de l’épidémie marqua <strong>le</strong> r<strong>et</strong>our à la vie norma<strong>le</strong>, <strong>et</strong> à ce<br />
moment cessa donc de peser au-dessus des têtes la sombre <strong>et</strong><br />
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