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L'avers et le revers

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— Et vous faites bien, mon frère, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te pensée est nob<strong>le</strong>,<br />

qu’un huguenot comme vous puisse prier pour un catholique<br />

comme lui.<br />

J’appris par la suite que <strong>le</strong> baron avait une affection<br />

particulière pour Étienne de La Boétie, pourtant sensib<strong>le</strong>ment<br />

plus jeune que lui, pour ce qu’il l’avait rencontré au côté de son<br />

père, Antoine de La Boétie, lieutenant-criminel par autorité<br />

roya<strong>le</strong> de la sénéchaussée de Sarlat, dès son arrivée en Périgord<br />

<strong>et</strong> avant même d’ach<strong>et</strong>er <strong>le</strong> domaine de Mespech. Lui <strong>et</strong><br />

Sauv<strong>et</strong>erre avaient trouvé auprès du père un appui, ce qui de<br />

catholique à huguenot était déjà fort notab<strong>le</strong>, <strong>et</strong> <strong>le</strong> fils Étienne,<br />

âgé lors d’une quinzaine d’années seu<strong>le</strong>ment, avait montré dès<br />

<strong>le</strong> premier entr<strong>et</strong>ien un esprit vif, épris de justice, exalté aussi<br />

dans son horreur de toute oppression. Ils s’étaient ensuite<br />

encontrés nombre de fois <strong>et</strong> ce jusqu’au départ d’Étienne à<br />

Bordeaux où il fut nommé ensuite conseil<strong>le</strong>r au Par<strong>le</strong>ment dès<br />

l’âge de vingt-deux ans, ce qui montre assez l’extrême précocité<br />

du jeune homme.<br />

Les êtres précoces vivent vite <strong>et</strong> meurent jeunes, dit-on. Je<br />

ne sais si la chose est exacte mais il est constant qu’on la vérifie<br />

souvent. En ce qui concerne c<strong>et</strong> Étienne de La Boétie, n’est-il<br />

pas merveil<strong>le</strong> qu’il écrivît sa grande œuvre – Discours de la<br />

servitude volontaire – à l’âge de dix-neuf ans seu<strong>le</strong>ment ? Si<br />

mon maître a pour M. de Montaigne – <strong>et</strong> je <strong>le</strong> comprends – une<br />

admiration sans limite, j’avoue que c<strong>et</strong> ouvrage de La Boétie que<br />

j’ai lu fort tard, <strong>et</strong> parce qu’il se trouve en la librairie de mon<br />

maître, me par<strong>le</strong> autrement, <strong>et</strong> mieux sans doute. Car j’ai pu <strong>le</strong><br />

constater, moi qui suis val<strong>et</strong>, <strong>et</strong> fils de paysan, la servitude est<br />

une longue habitude <strong>et</strong> el<strong>le</strong> survit par l’acceptation p<strong>le</strong>ine <strong>et</strong><br />

entière de ceux-là mêmes qui la subissent. C’est <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> qui<br />

s’asservit de p<strong>le</strong>in gré, par la conviction intime <strong>et</strong> profonde qu’il<br />

a que c<strong>et</strong> état est juste, <strong>et</strong> qu’il en vient à confondre l’état de sa<br />

naissance avec un état de nature. Soyez résolus de ne servir<br />

plus, <strong>et</strong> vous voilà libres, écrit La Boétie, mais il en faudrait<br />

prou pour passer de l’idée à l’acte, <strong>et</strong> l’homme seul ne sert à rien<br />

en c<strong>et</strong>te entreprise, il y faut du nombre, <strong>et</strong> trop incultes sont <strong>le</strong>s<br />

paysans pour ne plus serrer la main de celui qui <strong>le</strong>s étrang<strong>le</strong>. À<br />

quoi sert-il de <strong>le</strong>ur faire connaître c<strong>et</strong>te servitude volontaire, <strong>et</strong><br />

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