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L'avers et le revers

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— Qu’importe, Miroul, <strong>et</strong> qui se soucierait de ces détails que<br />

moi seul peux connaître ! Non, ainsi <strong>le</strong>s as-tu écrites, <strong>et</strong> j’en suis<br />

bien certain, en conscience. El<strong>le</strong>s sont tiennes, ne peuvent être<br />

miennes, <strong>et</strong> des différences qui s’en montrent, cel<strong>le</strong> du nob<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

du fils de paysan m’a paru la plus prégnante.<br />

Il me sourit, puis prenant congé par son habituel<strong>le</strong> tape sur<br />

l’épau<strong>le</strong>, il ouvrit grande la porte <strong>et</strong> s’apprêta à sortir.<br />

— Mais, de ces Mémoires… Moussu Pierre… insistai-je alors<br />

qu’il me tournait <strong>le</strong> dos, fallait-il <strong>le</strong>s écrire ?<br />

Il se r<strong>et</strong>ourna, <strong>et</strong> son regard azuréen, hésitant un moment<br />

entre mon œil b<strong>le</strong>u <strong>et</strong> mon œil marron, se fixa sur celui qui lui<br />

ressemblait tant, <strong>et</strong> d’une voix grave <strong>et</strong> douce, il dit :<br />

— Tu fis bien, Miroul.<br />

Il me serre un peu, cher <strong>le</strong>cteur, de devoir me séparer de<br />

vous, mais de ma lointaine jeunesse je vous en ai conté la<br />

moel<strong>le</strong>, <strong>et</strong> même davantage, ne celant rien de ce qui remonta de<br />

ma mémoire. Je trempe là pour une ultime fois la plume en<br />

l’encrier, <strong>et</strong> achève ainsi, en ce tout début de l’année seize cent<br />

dix. Puisse <strong>le</strong> Seigneur absoudre mes fautes <strong>et</strong>, en dépit des<br />

humaines faib<strong>le</strong>sses dont j’avoue être captif tout pareil<strong>le</strong>ment<br />

que mes semblab<strong>le</strong>s, m’ouvrir grande sa porte lors que <strong>le</strong><br />

moment sera venu. Qu’il ne hâte point mes pas pour autant, la<br />

poignée d’années qu’il reste à parcourir m’étant aussi précieuse<br />

que mes amours d’antan.<br />

Comme je lève mon regard vers ma vieil<strong>le</strong> épousée, je la vois<br />

qui coud <strong>et</strong> reprise près d’une bonne flambée, laquel<strong>le</strong> craque <strong>et</strong><br />

s’élève en notre cheminée. Et Margot, de ses yeux de chatte qui<br />

sont restés tant verts maugré ces longues années, me voyant<br />

heureux, tendrement me sourit.<br />

FIN<br />

304<br />

9 juin 2008<br />

Ravine des Cabris<br />

Î<strong>le</strong> de La Réunion

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